Abbe J-S

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samedi 6 octobre 2018

Cœur de pierre...


Homélie du 7 octobre 2018 – 27e dimanche B


L’Évangile que la liturgie nous propose aujourd’hui semble tellement loin du monde dans lequel nous vivons. Qu’est-ce que cet Évangile veut bien nous dire – il faut lutter contre le divorce ? Ou bien il faut condamner l’adultère ? En France, le divorce a été déclaré légal dès le 20 août 1792, sous la Terreur par l’assemblée législative, cette loi a été adoptée par l’assemblée nationale le 20 septembre de la même année, à l’aube de la première République. Toujours en France, mais un tournant beaucoup plus récent, l’adultère a été dépénalisé par la loi du 11 juillet 1975. D’une manière générale, nous nous taisons sur ces sujets. Puisque, pour une très grande partie de nos contemporains, la dissolution du mariage par le divorce est devenu un droit, et la dépénalisation de l’adultère s’accorde avec le respect pour la liberté des individus. Dans ce contexte, comment pouvons nous entendre un texte de l’Évangile avec des positions aussi tranchantes que radicales ?

Cependant, le saint Évangile n’est pour nous ni le code civil, ni la code pénal, ni même un manuel de théologie morale. L’Évangile est la Parole de Dieu, et cette Parole nous révèle qui est Dieu, notre Créateur et notre Sauveur – et, en Le révélant, elle nous dit qui nous sommes, nous, en toute vérité. Par cette double révélation, le Christ Jésus nous conduit vers une rencontre personnelle avec Dieu. Aucun baptisé ne peut faire économie d’une telle rencontre. C’est pourquoi nous ne pouvons pas recevoir la Parole de Dieu avec nos mesures à nous, nous devrons plutôt la recevoir telle qu’elle est, une Parole vivante et vivifiante, et la laisser parler en nous.

Aujourd’hui, je voudrais que nous nous arrêtions sur une expression particulière de cette Évangile – « la dureté du cœur ». Dans l’Évangile, Jésus dit aux pharisiens – Si Moïse vous avait permis de renvoyer vos femmes, c’était à cause de la dureté de votre cœur. Qu’est-ce que cela veut dire : un cœur endurci ?

D’abord, le cœur. Pour les Sémites de l’antiquité, le cœur est l’organe central et mystérieux de la vie, il est le siège des affections – non seulement de l’amour, mais aussi du désir, de la joie, du regret, de la tristesse, de la colère, du courage, de la confiance, mais il également le siège de la mémoire, de l’imagination, de l’intelligence. Le cœur est donc l’intériorité profonde d’une personne – c’est en touchant le cœur de la personne qu’on la touche vraiment. Selon cette définition du cœur, nous pouvons dire qu’un cœur endurci est un cœur privé d’affections, un cœur qui s’enferme, un cœur devenu froid et insensible.

Mais dans le langage biblique, l’expression de « la dureté du cœur » a encore un sens plus précis. Jésus a été éduqué dans la foi juive et imprégné de sa culture, il connaît parfaitement la Torah et les textes prophétiques, et il prie quotidiennement avec les mots des psaumes. Lorsqu’il prononçait : « la dureté de votre cœur », il faisait très probablement allusion à ces versets du Psaume 94 : « Aujourd’hui, si vous écoutez ma voix, n’endurcissez pas votre cœur comme à Meribah, comme au jour de Massah dans le désert, où m’ont tenté vos pères, où ils m’ont éprouvé, bien qu’ils aient vu mon œuvre ! » (Ps 94,8-9) En effet, pour le Psalmiste, un cœur endurci est surtout un cœur qui s’est détourné de Dieu, un cœur aveuglé et assourdi devant la présence et les actions de Dieu, un cœur hostile qui va jusqu’à rejeter et défier Dieu. Cette expression a été reprise plusieurs fois dans le Nouveau Testament. Par exemple, à propos des païens qui se laissaient guider par le néant de leur pensée, l’Apôtre Paul écrit dans son Épître aux Ephesians : « Ils ont l’intelligence remplie de ténèbres, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur » (Ep 4,18). Sur la même ligne que le Psalmiste, pour Paul, le cœur endurci est un cœur s’obscurcit, s’enferme dans l’ignorance et refuse la lumière de la foi.

La dureté du cœur est donc une image de l’attitude ingrate et obstinée des peuples qui refusent Dieu. Mais pourquoi cette attitude a aussi pour conséquence la rupture du mariage ? Nous savons que le mariage a été établi et béni par le Créateur dès la création de l’homme. Dieu créa l’humanité à son image et selon sa ressemblance. L’union entre l’homme et la femme trouve en effet sa source et sa racine dans la communion intime entre Dieu et sa créature. Dès lors que cette communion se trouve dénaturée, l’union entre l’homme et la femme se coupe de la bénédiction divine, leur amour ne sera plus alimenté par la grâce du Créateur. Mais par la pure volonté humaine, empoisonnée par la convoitise et la jalousie, l’amour devient une chose fragile et éphémère, il tend alors vers la rupture.
Mais pourquoi cet endurcissement du cœur ? Dans son Traité « de la Considération », saint Bernard s’adressa au Pape Eugène III, anciennement son disciple, en disant que les occupations excessivement nombreuses et très souvent mondaines le conduiront vers « l’endurcissement du cœur ». Il dit qu’un cœur endurci est « un cœur qui ne peut plus être ni déchiré par le remords, ni attendri par la piété, ni troublé par les prières, (…). C’est un cœur que les bienfaits laissent ingrat, qui est perfide dans ses avis, impitoyable dans ses jugements, imprudent dans l’infamie, inaccessible à la crainte, inhumain dans les choses humaines, téméraire dans les (choses) divines, oublieux du passé, plein de négligence pour le présent, et d’imprévoyance pour l’avenir. (…) (En somme), un cœur endurci est également incapable de craindre Dieu et de respecter les hommes ».

Ces mots, saint Bernard les a écrit pour le Pape de l’époque, mais nous tous, nous pouvons y tirer quelques leçons. Si ce sont les occupations mondaines et excessives qui endurcissent nos cœurs, qui nous rendent ingrats et même nous déshumanisent, il est peut-être utile pour nous d’examiner en profondeur toutes nos occupations, même nos préoccupations et les discerner à la lumière de la foi.

Et finalement, c’est Dieu qui nous permet de devenir vraiment nous-mêmes – souvenons-nous de cette Parole du Prophète Ezekiel : « J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36,26).

samedi 8 septembre 2018

Le visage de la nouvelle servitude volontaire...


Homélie du 23e dimanche du Temps ordinaire – 9 septembre 2018


« Effatà », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ». En prononçant ce mot, la voix du Christ Jésus nous révèle que la guérison de cet homme miséreux, sourd et muet, se manifeste dans l’ouverture de ses sens. C’est une double ouverture. D’abord, l’ouverture de son ouïe – ses oreilles peuvent entendre maintenant la parole des autres, et désormais on peut s’adresser à lui ; puis, l’ouverture de sa bouche – il peut, lui aussi, dorénavant faire entendre aux autres la voix de son cœur. Par cette double ouverture, son monde intérieur s’unit au monde extérieur ; ainsi cet homme, jadis considéré comme maudit, isolé, exclut, voire ignoré de tous, est réintégré dans la société des hommes. Cette guérison est donc bien plus qu’une guérison physique. En effet, c’est la dignité de cet homme qui a été restaurée et rétablie par le Christ Jésus.

La plupart d’entre nous, jouissons jusqu’à présent sans grande peine de notre ouïe et de notre voix, et nous ne mesurons jamais assez combien sont essentiels ces deux sens pour l’aisance de notre existence. Ils sont dons de Dieu, ils nous sont précieux.

Cependant, nous pouvons faire un examen de conscience en interrogeant nous-mêmes. Aujourd’hui, dans notre société, est-ce que tout ce que j’entends, et tout ce que je fais entendre, honorent ces dons de Dieu – c’est-à-dire : mon ouïe et ma voix ?

D’abord, qu’est-ce que l’on entend au quotidien ? On entend les actualités, les informations – On a tellement peur d’être déconnecté, d’être mis à part, alors consciemment ou inconsciemment on cherche à s’informer tout le temps et sur tout. Notre vie actuelle est saturée d’informations. La plupart des informations noircissent notre regard sur le monde, sur notre temps, et parfois sur nous-mêmes. Et le discours souvent – et très curieusement – unanime des médias sur certains sujets ou sur certains personnages nous introduit dans une invisible dictature de pensée unique : à la suite de certains journalistes très bruyants et malintentionnés et certains experts ou spécialistes auto-déclarés, on met facilement les étiquettes sur tel ou tel personnage public, on condamne sans hésitation tel ou tel type de propos. On ne réfléchit plus du tout, on anesthésie docilement et honteusement notre capacité de raisonnement et de discernement.

Et puis, on entend aussi les publicités, beaucoup de publicités qui reviennent en boucle. Les publicités nous dessinent une vie rêvée, idéale et parfaite. Les publicités nous dictent ce qu’on doit manger, comment on doit s’habiller, comment on doit organiser notre vie professionnelle, scolaire, familiale et même les vacances, les déplacements – par-dessus tout cela, les publicités nous disent avec une incroyable certitude ce qu’est le vrai bonheur de notre vie – un bonheur orné par la dernière génération de iPhone, le nouveau style de voiture sportive, et une nouvelle maison complètement parfaitement robotisée. Oui, on entend les publicités qui se répètent jour et nuit, et ainsi, on se soumet à une autre dictature – celle de la consommation.

On entend encore des ragots, les petites histoires pas très glorieuses sur l’un ou sur l’autre. On fait quand même un peu d’efforts pour que notre complaisance ne paraisse pas trop à l’extérieur, mais on sait bien à l’intérieur de nous-mêmes que entendre dire du mal des autres nous fait plaisir, surtout quand notre propre vie est quelque peu décevante. La troisième dictature, celle de la médiocrité.

Et on entend partout du bruit, beaucoup de bruits – ces bruits qui prétendent parfois être la musique qui veulent nous distraire,  ces bruits sans lesquels on ne saurait plus vivre et on ne pourrait supporter le moindre de silence – devant lequel on se sentirait nu. Mais dans ces bruits se sont glissées les paroles haineuses, les railleries méchantes, les bêtises énormes, les mensonges nuisibles, et puis beaucoup beaucoup de cynisme. Noyé dans cet océan de bruit, on se distrait, on s’habitue, on s’avilit, on se laisse transformer, on se laisse asservir. La dictature du bruit.

Le monde est une histoire racontée par un fou, plein de bruit et de fureur – ces mots que Shakespeare a mis dans la bouche du roi Macbeth pourraient nous faire rougir aujourd’hui. Cette histoire de fou, nous en faisons partie. En effet, qu’est-ce nous faisons entendre aux autres à notre tour ?  Hélas, dans la plupart des cas, nous répétons ce que nous avons entendu – les préjugés, les mensonges, les railleries, les bêtises, les grossièretés, les ragots. On a peur d’être différent des autres. On a peur de penser différemment, de parler différemment. On a même peur de ne pas rire des bêtises qui font rire les autres. On n’a plus de liberté. On est soumis. Dans une usine qui ne produit que du bruit, machinalement nous faisons du bruit avec les autres. Dans ce régime de dictature collective, nous devenons dictateurs avec les autres.

Nous n’honorons pas ces sens qui nous sont donnés par le Créateur pour embellir notre vie – ceux que nous entendons nous rendent sourds – puisqu’ils nous empêchent d’entendre les paroles véritables, qui ont vraiment quelques choses à nous dire ; et ceux que nous faisons entendre nous rendent muets – puisqu’ils ne viennent pas de notre cœur. Il nous est peut-être nécessaire de nous tourner à présent vers le Christ, comme le sourd-muet de l’Évangile, et de Lui demander de prononcer de nouveau sur nous ce mot « Effata », ce mot qui nous rappelle aussi la grâce que nous avons reçue de notre baptême – puisque nous savons qu’il existe cette étape préparatoire dans le rite du baptême où le prêtre trace le signe de la Croix sur l’oreille et la bouche de l’enfant en disant cette prière : « Effatà, c’est-à-dire : ouvre-toi. Le Seigneur Jésus a fait entendre les sourds et parler les muets : qu’il te donne d’écouter sa parole, et de proclamer la foi pour la louange et la gloire de Dieu le Père. »

Oui, que Dieu ouvre notre ouïe avec sa Parole de vie, et qu’il mette dans notre bouche la foi, son Évangile et la louange de sa gloire. Amen.





samedi 21 juillet 2018

Que cherchez-vous ? (22 juillet 2018 – 16e dimanche B)

On s’impressionne toujours devant les phénomènes de masse, les événements qui font déplacer une foule immense. On pense aux concerts de Johnny ou ceux des Rolling Stones. Mais il semble que le plus grand concert dans l’histoire est celui de Jean-Michel Jarre, qui a eu lieu en 1997 à Moscou, le compositeur de la musique électronique a rassemblé 3.5 millions de spectateurs. Le Pape François n’en fait pas moins. Selon les journalistes, la Messe qu’il a présidée à Manille en janvier 2015 a réuni 6 million de catholiques. Et il y a une semaine, aussitôt après la victoire de l’équipe de France au Coupe du monde, il semble qu’il y a quelques vingt millions de français qui sont descendus dans la rue pour savourer ce moment de gloire. Au cœur de ces incroyables mobilisations, il y a toujours une ou un petit groupe de personnes, qui ont connu un exaltant exploit, ou qui sont doués d’un charme ou d’un charisme tellement fascinant. Alors que la foule qui vient les célébrer, les acclamer, ne fait qu’agrandir leurs auras et affirmer leur succès.  

Pour certains historiens, Jésus de Nazareth était un tel homme charismatique de son temps. Il était un prodigieux faiseur de miracles, un orateur hors pair. Dès le début de sa carrière, il a réussi à conquérir son public et acquérir un très grand renom. L’Evangile que nous avons entendu aujourd’hui semble pouvoir confirmer cette thèse. Jésus accueille ses disciples, revenus de mission, enthousiasmés mais harassés. Alors le Maître veut partir avec eux dans un endroit désert afin qu’ils se reposent. Cependant, la foule, ayant compris leur intention, se précipite et les précède à leur destination, afin de ne pas se séparer de Jésus. Quelle foule de supporteurs fidèles et fervents – et Jésus, quelle star !

Cependant, en regardant cette foule, Jésus ne voit que des brebis perdues, sans berger.

Et cela semble étrange. Lui-même n’a-t-il pas dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la Maison d’Israël » (Mt 15,24) ? Alors aujourd’hui ces brebis se rassemblent autour de Lui : c’est Lui le Berger, Il se trouve devant son propre troupeau, pourquoi Il voit toujours en eux des brebis perdues ?

Mais la question est : pourquoi la foule le suit ? Que cherchent-ils ces gens qui ne le lâchent pas ?

Afin de comprendre leur attitude, revenons un instant sur le phénomène des bleus. Pourquoi les français célèbrent la victoire des bleus ? Parce que, malheureusement la plupart d’entre eux n’ont qu’une vie tellement médiocre, parce qu’ils sont saturés de soucis, d’angoisse, de déceptions ; et enfin il y a quelque chose ils peuvent célébrer, alors allons y ! Mais après avoir crié durant une nuit « on a gagné », le lendemain matin, ou quelques jours plus tard, ils comprendront qu’ils ne font pas partie de cet « on » qui a gagné – ils étaient simplement cloués dans leurs canapés avec les yeux fixés sur un écran pendant 90 minutes, ils n’ont jamais rien gagné, et rien n’a changé dans leur vie.

Oui, ce qui mobilise ces supporteurs des bleus, c’est leur vide, c’est leur manque, c’est l’ennui de leur quotidien.

Et la foule qui entoure Jésus – pourquoi le suivent-ils là ? Puisqu’ils voient en Lui le guérisseur qui relève les malades, le magicien qui chasse des démons, qui, avec cinq pains et deux poissons a nourri cinq mille hommes. Ils sont là parce qu’ils ont faim, parce qu’ils ne veulent plus confronter à la faim, à la souffrance, à la maladie, à la mort, parce qu’ils se savent fragiles et vulnérables, ils veulent être protégés, soutenus par quelqu’un de vraiment puissant.

Mais pour Jésus, il ne s’agit rien de tout cela : je ne suis pas venu pour faire quelques miracles et guérir quelques malades. Vous avez été nourris ? Mais vous aurez toujours faim, comme vos pères qui ont été nourris par la manne tombée du Ciel, ils n’ont pas été rassasiés une fois pour toutes, ils sont tous morts. Vous avez été guéris de vos maladies ? Mais vous serez de nouveau malades, puisque votre vie n’est que passagère, elle est mortelle. Mais écoutez, je ne suis pas venu pour vous faire des miracles, je suis venu pour vous donner moi-même : « je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ; (…) Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6,51.53-54).

Alors, aussitôt qu’Il prononça ces mots – l’échec : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » La foule se disperse aussi rapidement qu’alors elle s’est réunie. Seuls les Douze restent avec Lui. Et Il leur demanda : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Et Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,67-68).

La Parole de la vie éternelle – voila ce que Jésus veut nous donner. Et cette Parole, c’est Lui-même ; la nourriture qui apaisera à jamais notre faim, qui nous donnera la Vie véritable, c’est Lui-même. La sainte Communion que nous recevrons de Lui dans quelques instants, c’est Lui-même, c’est  Lui notre Vie, c’est Lui la vie éternelle. C’est pour cela qu’Il s’est fait chair, c’est pour cela qu’Il se donne dans l’Eucharistie.

Et nous, pourquoi on se ressemble aujourd’hui dans cette église ? Qu’est-ce que nous célébrons ? Qu’est-ce que nous cherchons ? Qu’est-ce que nous attendons de Jésus ?


Une chose est certaine : si nous ne désirons pas ce que Lui veut nous donner, nous sommes toujours des brebis perdues, sans berger et sans espoir.



samedi 30 juin 2018

La main de Dieu, la main de l'homme


En lisant l’Evangile de ce dimanche, je suis particulièrement touché par les deux mouvements de main – la main peureuse de la femme hémorroïsse, qui tend timidement vers le vêtement de Jésus, sans vouloir être aperçue ; puis, la main douce mais déterminée de Jésus qui saisit celle de la jeune fille, déjà inanimée, en l’ordonnant de se lever. Qu’est-ce qui s’est produit réellement lors de ces gestes ? Je pense que, derrière ces deux événements qui s’ensuivent, il y a en effet la main de l’humanité souffrante qui tend vers son Dieu, son Créateur et son Sauveur ; et en parallèle, la main du Dieu fait homme saisissant celle de l’humanité afin de la faire sortir de son abîme dans laquelle elle s’enfonce. La main de Dieu et la main de l’homme se sont touchées : c’est peut-être cela, le véritable miracle de l’Evangile.

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion de pénétrer dans la Chapelle Sixtine, mais vous ne pouvez pas ignorer cette fameuse fresque de Michel-Ange, qui se situe à la partie centrale du grand voûte de cet édifice mythique, mettant en scène la création d’Adam. On y voit Adam, le corps indolemment étendu, avec son bras gauche, semble inerte, tend vers la main droite de Dieu. Et en contraste avec la passivité et la nonchalance du geste d’Adam, on peut percevoir une certaine tension presque tangible dans le bras et la main de Dieu – il semble vouloir atteindre avec son index celui d’Adam. Ces deux mains ne se touchent pas, cependant, d’une façon indicible, le mystère du don de la vie s’est rendu visible par cette fascinante proximité. C’est ainsi que Dieu fait don de la vie : en nous donnant sa main.

La main, c’est par elle que nous sommes distingués des autres êtres vivant. Depuis la nuit des temps, l’homme admire ses propres mains dont les capacités semblent insondables et inépuisables. On trouve déjà innombrables mains peintes sur les parois des grottes de l’ère paléolithique. Et les mains divinement sculptées par Rodin pourraient jusqu’à nous plonger dans l’extase. Nous sommes fascinés par nos mains, puisqu’elles font partie de nos privilèges, puisqu’elle nous permettent d’agir autrement que les autres êtres animés ne peuvent.

Aristote écrit dans la Métaphysique : « Ce n’est pas, en effet la main, absolument parlant, qui est une partie de l’homme, mais la main capable d’accomplir son travail, donc la main animée ; inanimée, elle n’est une partie de l’homme » (1036 b 30-32). Et pourtant, si la main a pour nous une valeur unique, ce n’est pas seulement parce qu’elle nous permet d’agir, mais aussi parce qu’elle nous permet de nous exprimer. Il est si beau de voir les amoureux se tenir par la main. Un petit  enfant donne sa main à celui ou celle à qui il fait confiance. Une main qui se laisse docilement saisir par une autre ou elle s’en débarrasse avec empressement – ces gestes disent long de ce que nous avons sur le cœur. Si notre main ne peut plus agir comme nous le voulons, elle pourrait toujours, même silencieusement, lancer un cri, ou faire entendre un murmure – et alors, c’est notre cœur qui parait, notre foi qui se manifeste.

Sur la Croix, le Christ avait les mains liées, il ne pouvait plus rien faire, alors il s’adresse à son Père : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit », et c’est ainsi que « tout est accompli ». À l’ouverture de Souliers de satin, Paul Claudel a mis en scène un père Jésuite, attaché sur un tronçon du grand mât d’un bateau et jeté dans la mer – il a compris qu’à présent, il est véritablement attaché à la Croix du Christ, la Croix de la Passion – d’une façon qui ne pourrait être plus serrée – et cette Croix n’est plus attachée à rien, alors il dit : « Seigneur, merci de m’avoir ainsi attaché ». Quelle profession de foi !

À nos jours, nous ne pouvons imaginer que nous ne soyons plus maîtres de nous-mêmes. Nous sommes censés être constamment disponibles, mobiles, motivés, prêts à agir, à contrôler, à entreprendre. Mais si notre volonté devient impuissante, et nos actions stériles, si nous sommes désarmés devant une situation qui nous dépasse, c’est peut-être parce que nous sommes éloignés de la source même de notre vie. Il est peut-être temps de nous arrêter et nous tourner vers le Ciel, vers Celui qui se penche constamment vers nous avec amour et attention.

Toujours à Rome, dans le catacombes saint Calix, je me souviens d’un dessin mural – un homme habillé en sacerdoce, les yeux et les main levés vers le Ciel – il est en prière ; je me dis : cette image est aussi un symbole de la foi. Le Christ dit à la femme qui a osé toucher son vêtement – ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix. Qu’il nous donne la même foi, la même audace, et que nos mains aussi puissent tendre vers Lui, avec la même insistance, et avec nos cœurs, amen.

samedi 2 juin 2018

Pour la Solennité de la Fête-Dieu 3 juin 2018

Samuel Joseph Agnon, le premier écrivain de langue hébraïque ayant emporté le prix Nobel de la littérature, conta une jour cette histoire :

Quand le Baal Shem – un rabbin mystique de renom du 18ème siècle – avait une tâche très difficile devant lui, il allait à une certaine place dans les bois, allumait un feu et méditait en prière, et ce qu’il avait décidé d’accomplir fut fait. Quand, une génération plus tard, le « Maggide » de Meseritz se trouva en face de la même tâche, il alla à la même place dans les bois et dit : nous ne pouvons plus allumer le feu, mais nous pouvons encore dire les prières – et ce qu’il désirait devint la réalité. De nouveau une génération plus tard, Rabbi Moshe Leib de Sassov eut à accomplir cette même tâche. Et lui aussi alla dans les bois et dit : Nous ne pouvons plus allumer le feu et nous ne connaissons plus les méditations secrètes qui appartiennent à la prière, mais nous savons la place dans les bois où cela s’est passé, ce doit être suffisant ; et cela suffit. Mais quand une autre génération fut passée et que Rabbi Israël de Rishin, invité à accomplir la même tâche, s’assit sur son fauteuil doré dans son château, il dit : nous ne pouvons plus allumer le feu, nous ne pouvons plus dire les prières, nous ne savons plus la place mais nous pouvons raconter l’histoire de comment cela s’est fait. Et encore une fois cela suffit.

Cette légende nous fait entendre comment la foi est née d’une mémoire, dans la formation d’un récit. Le feu divin ne s’alluma plus, la parole devint mystérieuse et les lieux incertains, mais le récit les enveloppa et les redonna vie, et il se transmit de génération en génération ; un jour le récit prit la forme du texte, écrits et recopiés sur les parchemins ; et les parchemins s’allongèrent, devinrent des rouleaux, des livres saints. Ainsi apparurent les religions du livre.

Bien que beaucoup le pensent, mais le christianisme n’est pas une religion du livre. La foi chrétienne ne repose pas sur une mémoire, un récit ou un texte. Si à l’origine de cette foi se trouva une Parole, la Parole de Dieu – nous savons que cette Parole s’est faite chair, et elle a habité parmi nous. Et le mystère de l’incarnation est bien plus qu’une mémoire, une réalité historique qui n’appartient qu’à une certaine époque du passé – il se renouvelle et s’actualise chaque jour : là où la sainte Messe est célébrée, le Verbe qui s’est fait chair se fait pour nous Eucharistie ; et le même Christ se donne à nous aujourd’hui comme il s’est donné pour nous il y a deux mille ans sur la Croix. Notre religion est une religion du temps présent. Et notre foi n’est ni un concept abstrait de je ne sais quelle métaphysique, ni une nostalgie mystique qui nous lie à une réalité lointaine ; notre foi est incarnée, elle est charnelle, elle est actuelle. Et au cœur de cette foi, se trouve l’Eucharistie.

Qu’est-ce que l’Eucharistie ? L’Apôtre Paul affirme sans aucune ambiguïté dans sa première Épître aux Corinthiens : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? » (1Co 10,16). Quelques décennies plus tard, saint Ignace d’Antioche, disciples direct des Apôtres saint Pierre et saint Jean selon la Tradition, et martyrisé en 117, a écrit ceci dans sa lettre aux Smyrniotes : Qu’ils s’abstiennent de l’Eucharistie et de la prière, ceux qui « ne confessent pas que l’Eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, (chair) qui a souffert pour nos péchés et que dans sa bonté le Père a ressuscité » (VII,1). Il est certain que, bien avant les élaborations studieuses des théologiens médiévaux, le réalisme eucharistique est déjà bien ancré dans la foi des chrétiens dès la première génération. Dans le très saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, nous ne recevons rien de moins que le Christ Jésus, le Fils du Dieu vivant : dans ce sacrement, Il se donne à nous, afin que nous recevions en plénitude la tendresse et la miséricorde du Père. Pour le chrétien qui vit dans le monde, il n’y a sous le Ciel rien de plus grand, de plus divin, de plus noble que la très sainte Eucharistie – par l’Eucharistie, il entre réellement en communion avec Dieu, et en Dieu, il entre communion avec tous ceux qui ont reçu le don de la seule foi qui procure le salut éternel.

Avec une incomparable ardeur pure, saint François d’Assise, un des plus grands saint de l’histoire de la chrétienté, exhorta ainsi ses frères à l’adoration de la très sainte Eucharistie : « Que l'homme tout entier craigne, que le monde entier tremble, et que le ciel exulte quand le Christ, Fils du Dieu vivant, est sur l'autel dans la main du prêtre ! Ô admirable profondeur et stupéfiante faveur ! Ô humilité sublime ! Ô humble sublimité ! Que le Seigneur de l'univers, Dieu et Fils de Dieu, s'humilie au point de se cacher pour notre salut sous une modique forme de pain ! Voyez, frères, l'humilité de Dieu et répandez vos cœurs devant Lui ; humiliez-vous, vous aussi, pour être exaltés par Lui. Ne retenez donc pour vous rien de vous(-même), afin que vous receviez tout entier celui qui se donne à vous tout entier. » (Epistola toti ordini, 26-29)

Celui qui se donne à nous tout entier, Celui qui s’humilie afin de pouvoir nous aimer, nous sauver, nous élever, nous donner la vie – Il est là, il est présent dans la très sainte Eucharistie, dans le Sacrement de son Amour. Notre Dieu nous est si proche.

vendredi 18 mai 2018

Veritas liberabit vos – La vérité vous rendra libres : Pour la Solennité de la Pentecôte 2018


 
« Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière » ; cette Parole du Seigneur Jésus pourrait susciter aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, quelques étonnements, quelques sarcasmes, voire quelques grincements de dents – mais elle rencontrera surtout beaucoup d’indifférence. On demandera : la vérité tout entière – mais quelle vérité ? La tienne ? Et qu’est-ce que j’ai à faire avec ta vérité ? Pour beaucoup de nos contemporains, ce mot « vérité » est dénué de signification. Et si l’on accorde encore quelque sens à ce vocable désuet, il se réduira à l’appréciation strictement personnelle et subjective de chacun sur le monde réel tel qu’il aperçoit – et personne ne peut ni doit imposer aux autres sa vision du réel – à chacun sa vérité, selon son bon plaisir. 

En effet, aujourd’hui tout discours qui mène à dire qu’il est une certaine vérité véritable et universelle sera considérée comme douteux, voire dangereux ; et toute personne qui oserait s’affirmer comme défenseur de « la seule vérité » sera qualifiée de fanatique. Mais pourquoi ce rejet haineux d’une vérité objective et universelle ? Puisque, si la vérité se voit détrônée dans la hiérarchie des valeurs, celle qui l’a remplacée s’appelle la liberté. La liberté est à nos jours la valeur suprême : la liberté de la création, la liberté de l’expression, la liberté de l’émancipation, etc., ce sont des libertés intouchables.

Mais qu’est-ce que cette liberté si chère à nos contemporains ? Karl Marx l’imagina ainsi : Dans la société communiste, il deviendra possible de « faire ceci aujourd’hui, et cela demain, chasser le matin, pêcher l’après-midi, le soir faire de l’élevage, et se livrer à la critique après le dîner, exactement comme j’en ai envie » (cité par Ratzinger, Discerner et agir, p.208). On n’a pas besoin d’avoir fait des études très poussées en l’histoire contemporaine pour savoir qu’aucun des pouvoirs communistes du 20e siècle n’a pu rendre possible cette liberté rêvée par Karl Marx, les révolutionnaires de cette mouvance ont surtout instauré dans leurs pays la terreur totalitaire et sanguinaire et ont imposé à leurs peuples l’esclavage, la misère et l’extrême pauvreté. Après l’effondrement lamentable et spectaculaire de quasi-totalité des pouvoirs communistes à la fin du siècle dernier, la rêverie de Karl Marx demeure cependant, très étrangement, comme l’image toujours irremplaçable de la seule vraie liberté pour une grande majorité des occidentaux d’aujourd’hui, et le slogan est toujours : « Faire exactement comme j’en ai envie ».

Et si vraiment était cela la vraie liberté, alors, tous ceux qui s’imposent à moi sans que je les ai choisis, me seront des menaces et entraveront ma liberté. Il me serait impensable d’accorder une place à une vérité universelle qui ne dépendra pas de ma volonté : seuls sont vrais ceux que je reconnais et qualifie comme tels. Il faut bannir donc devant moi tout ce que je n’ai pas voulu ou choisi. Cette vision de la liberté continue à donner les fruits néfastes à nos jours, telle que l’éthique minimale prônée par un certain Ruwen Ogien, philosophe français, cynique apologiste de la pornographie, du sadisme et du cannibalisme.

Cependant, en face de cette liberté qui rejette catégoriquement toute vérité qui se veut universelle, se trouve une autre liberté : la liberté qui ne se revendique pas, mais qui se reçoit ; la liberté qui ne s’oppose pas à la vérité ni l’exclut, mais qui s’enracine dans la vérité révélée par la vie de Jésus-Christ ; la liberté qui est celle vers laquelle nous conduit l’Esprit-Saint, l’Esprit de Vérité, le don de Dieu ; la liberté qui est celle de tous les enfants de Dieu, qui se savent aimés du Père, et qui l’aiment en retour – en esprit et en vérité.

« Veritas liberabit vos – La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32) ; cette vérité, la vérité offerte par Jésus-Christ, dans le don de l’Esprit-Saint, est libératrice, puisqu’elle révèle à nous qui nous sommes en réalité, depuis Le commencement, lorsque nous étions encore une pensée de Dieu ; elle est libératrice, puisqu’elle éveille en nous l’amour qui nous a été donné, même avant notre existence, l’amour qui est la semence même de notre vie ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne nous enlève rien, absolument rien, mais elle nous édifie, et nous donnera la plénitude de nous-mêmes ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne nous enferme dans aucune certitude, mais elle nous fera avancer, toujours plus loin, en éclairant notre route ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne comporte aucune rigidité, aucune lourdeur, mais elle se transforme en nous, en une source d’eau vive, qui fécondera nos cœurs, et nous donnera mille élans infatigables ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle est une personne, la personne, qui veut être notre ami, notre frère, et qui veut nous donner sa propre vie.

L’Esprit-Saint, l’Esprit de Vérité nous conduira à la Vérité tout entière : mais le don de l’Esprit-Saint nous est déjà donné, la vérité nous est déjà révélée. Ouvrons nos yeux, ouvrons surtout nos cœurs au don de Dieu – que ce souffle divin nous pénètre, nous remplisse, et nous élève vers Lui, Amen.

dimanche 13 mai 2018

Ut sint unum - Pour le 7e dimanche de Pâques



Ut sint unum, sicut et nos – qu’ils soient un, comme nous sommes un. Cette Parole du Seigneur qui s’adresse à nous aujourd’hui se situe dans le chapitre 17ème de l’évangile selon saint Jean, chapitre traditionnellement intitulé la prière sacerdotale de Jésus. Avec une attitude solennelle de grand prêtre – intercesseur, le Christ s’adressa à son Père, en Lui demandant la grâce de l’unité pour sa communauté – non seulement pour cette petite communauté de disciples qui l’entourait à ce jour, mais aussi pour la communauté à venir des croyants dans les âges futurs, pour nous, l’Eglise de Dieu d’aujourd’hui. Et cette unité est une véritable grâce, puisqu’elle est surnaturelle – elle doit être le reflet de l’unité de la très Sainte Trinité : qu’ils soient un, comme nous sommes UN.

Où se trouve cette unité ? Il semble qu’elle est inséparable avec le saint nom de Dieu : « Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné ». Mais de quel nom s’agit-il ? Sinon le nom de Jésus – Josué, qui veut dire : le Seigneur sauve ? Dieu notre Père sauve, Il sauve ses brebis égarées et dispersées à travers le monde en leur donnant un bon Berger, qui est son propre Fils, son Fils unique ; et le Fils sauve, puisqu’il est envoyé par le Père pour accomplir sa volonté, son œuvre de salut en se donnant Lui-même sur la Croix, comme l’ultime victime, afin de délivrer tous ceux qui sont enchaînés par les liens du péché, et les attirer tous à Lui une fois pour toute.

Le nom même de notre Sauveur enveloppe en effet l’œuvre intégrale de la rédemption. Mais l’unité des disciples ne serait possible que si l’œuvre de la rédemption fût accomplie pour tout le genre humain. C’est pourquoi le Seigneur dit : Père, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné – cette parole pourrait être interprétée ainsi : garde-les unis dans ton œuvre de salut, l’œuvre que tu as confiée à moi, ton Fils. Alors, que cette œuvre qui est autant tienne que mienne, désormais poursuive son chemin avec eux, mes disciples ; que cette œuvre devienne la leurs ; ainsi, en portant notre œuvre, en faisant à leur tour ta volonté, ils demeureront unis, comme nous-mêmes, éternellement unis.

Notre-Seigneur demanda pour ses disciples – aussi pour nous, ses disciples d’aujourd’hui, la grâce de l’unité. Et nous le savons, tout ce qu’Il demande à son Père Lui sera pleinement accordé, puisqu’Il est son Unique-Engendré, et dans son obéissance aimante et parfaitement filiale, Il s’est tout donné pour accomplir la volonté du Père. Et nous pouvons donc croire, en toute confiance, que la grâce de l’unité nous est déjà donnée. Cependant, l’avons-nous pleinement reçue ? Sommes-nous parfaitement unis ? Sommes-nous réellement, pleinement unis dans nos églises, dans nos communautés, dans nos paroisses, dans nos familles ? Ces questions pourraient susciter en nous quelques confusions. Puisque nous savons au fond de nous : combien notre unité est fragile, combien les diverses divisions sont à l’œuvre et elles se multiplient. Mais pourquoi la grâce de Dieu, la grâce de l’unité ne trouve pas parmi nous pleinement sa place ? Qu’est-ce qui nous empêche de la recevoir totalement ? « La grâce ne fait pas disparaître la nature mais l'achève », dit saint Thomas d’Aquin. Notre nature humaine est inconstante et fragile, la grâce divine vient l’épouser et l’élever vers Dieu, mais la seule chose que Dieu attend de nous est notre disposition intérieure : l’ouverture de notre cœur, la docilité de notre esprit. La fragilité de notre nature humaine peut peser sur nous, mais elle ne peut pas nous éloigner de Dieu définitivement. Le Christ nous a donner son exemple par sa très sainte agonie au jardin des oliviers. Lorsque la fragilité de sa nature humaine voulait succomber à la peur et à la tristesse, Notre Seigneur dit : « Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ! » (Mc 16,36) Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux : que ta volonté soit faite – Fiat voluntas tua ! Chaque fois, lorsque nous redisons cette prière enseignée par Notre-Seigneur, mesurons-nous vraiment le poids de ces mots ? Le Seigneur Lui-même les a prononcés au seuil de sa Passion, et en les disant, Il a donné sa vie. Mais Notre-Seigneur est vainqueur ! N’ayons donc pas peur, lorsque quelque division est semée parmi nous, prions le Seigneur, le Fils obéissant jusqu’à la Croix, que la vertu de sa sainte Passion vienne à notre secours – que la volonté de Dieu soit faite ! Le Christ est vainqueur, et nous aussi, si nous sommes vraiment avec Lui – « Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31)

Un autre exemple pour nous, est la Vierge Marie, notre sainte Mère du Ciel. Elle aussi, a donné son « Fiat » qui s’est associé à celui de son divin Fils : « Ecce Ancilla Domini, fiat mihi secundum Verbum tuum – Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole ». Chers frères et sœurs, notre Mère, celle qui est pleine de grâce, veille sur nous, elle nous protège, elle nous conduit, elle nous instruit à faire la volonté de Dieu. Ayons confiance, ayons confiance en Marie, ayons confiance en son Fils. Toute division ne peut qu’être l’œuvre du Diable, mais Notre-Seigneur l’a déjà vaincu, et Marie l’a écrasé la tête. Osons donc, osons l’unité voulue par Dieu, osons l’unité qui est l’œuvre de Dieu, et soyons unis dans la foi en Jésus-Christ, dans la foi de notre baptême.

mercredi 9 mai 2018

Pour la solennité de l’Ascension du Seigneur

Par le récit que nous avons entendu dans la première lecture, nous avons assisté à la dernière conversation entre le Seigneur Jésus et ses disciples. « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jour » ; c’est le dernier message que le Christ-Ressuscité a voulu laisser à ses disciples – préparez-vous, vous allez être baptisés dans l’Esprit-Saint. Étonnante cependant la réaction des disciples : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Leur préoccupation semble très éloignée du message de leur Maître – en effet, ils sont toujours pris par la nostalgie de la légendaire royauté davidique. À leur question, la réponse du Christ les oriente vers l’essentiel : tout ce qui concerne les temps et les moments appartient au pouvoir du Père, mais vous, vous recevrez la force que je veux vous donner, et vous deviendrez mes témoins « jusqu’aux extrémités de la terre ». Puis, ayant achevé cette ultime instruction, « il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux ».

Les disciples demandèrent si c’est maintenant la restauration du royaume d’Israël. Le Christ semble vouloir ignorer leur vraie question. Et pourtant, son élévation au Ciel paraît comme une réponse encore plus éloquente au souci des disciples : vous vous êtes attachés au royaume d’Israël, mais quelle royauté désirez-vous en réalité ? Une royauté comme celle de David, de Salomon – ces gloires humaines, passagères et éphémères ? Ne savez-vous pas que « Moi j’ai (déjà) vaincu le monde » (Jn16,33) ? Regardez le Roi véritable, regardez le Royauté qui ne connaitra jamais de déclin.

En effet, le mot « élever (apairo) » dans le langage biblique signifie aussi « exaltation », il pourrait même être employé pour dire « l’institution d’un roi » (Ratzinger, Dogme et annonce, p.328). En réalité, l’Ascension du Christ ne désigne nullement un déplacement spatial, mais la glorification du Ressuscité – Vainqueur du Mal et de la Mort ; c’est aussi l’exaltation du Fils par le Père, comme écrit l’Apôtre saint Paul dans son Épître aux Philippines : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, (…) il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : ‘Jésus Christ est Seigneur’, à la gloire de Dieu le Père. » (Ph 2,5-11)

Le Fils, par son obéissance jusqu’à la Croix a rétabli l’humanité blessée, il a triomphé le monde, et il est aujourd’hui glorifié ; mais qu’est-ce qui signifie la gloire du Fils ? Le récit nous parle d’une nuée.

Dans nombreux passages de la Bible, la nuée signifie la présence divine. Nous lisons par exemple dans le livre de l’Exode : « la gloire du Seigneur demeura sur la montagne du Sinaï, que la nuée recouvrit pendant six jours. Le septième jour, le Seigneur appela Moïse du milieu de la nuée. » (Ex 24,16). On trouve aussi dans le Psaume 98, Dieu parle avec ses serviteurs Moïse, Aaron et Samuel dans la colonne de nuée, en leur révélant sa volonté.

Il y a également un moment clé dans les récits de l’Evangile, la Transfiguration du Seigneur. Sur le mont Thabor, lorsque les disciples Pierre, Jacques et Jean virent paraître Moïse et le Prophète Élie à côté de Jésus, « survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : ‘Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le !’ » (Mc 9,7) À cet instant, les disciples furent saisis de frayeur.

Aujourd’hui, le Christ est emporté par une nuée du Ciel, c’est-à-dire, Il est entré dans l’intimité de Dieu, dans le véritable Saint des Saints ; Il est désormais auprès du Père – là où il a été sorti, et Il est aujourd'hui revêtu de la gloire qu’Il avait depuis le commencement. Cependant, sa condition n’est plus le même – par son incarnation dans le sein de la Vierge Marie, il a pris pour sienne la nature humaine – il devint vrai Dieu et vrai homme. Aujourd’hui, il s’éleva au Ciel avec son Corps d’homme, c’est-à-dire que désormais, il y a auprès de Dieu une place pour le genre humain : nous avons une place auprès de Dieu – comme Il avait promis à ses Apôtres, Notre-Seigneur est parti pour nous préparer une place (Jn 14,2). Et en quelque sorte, nous y sommes déjà avec Lui, puisque de par notre baptême, nous sommes devenus – nous, les membres de son Corps, et Lui, notre Chef, nous précède dans le Ciel.

Notre-Seigneur est monté au Ciel, mais Il est toujours avec nous, Il vient à nous, Il se donne à nous, Il nous nourrit à chaque Eucharistie par son propre corps, afin que notre espérance soit alimentée et qu’elle ne défaille jamais. Dans quelques instants, nous allons recevoir la très sainte Eucharistie, elle rappelle que tous, nous appartenons au même Corps, qui est déjà au Ciel, et elle nous donnera un avant-goût de la félicité éternelle.



samedi 5 mai 2018

6e dimanche de Pâques




« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Dans le texte d’origine de l’Évangile, on trouve à la place de l’expression « ceux qu’on aime » le mot grec « philon », c’est-à-dire « amis ». Et cela est plus cohérent avec la suite immédiate du texte : « vous êtes mes amis… ».

Cependant le souci du traducteur qui veut éviter de mettre ici le mot « ami » semble justifié : suis-je vraiment capable de donner ma vie à quelqu’un pour qui j’éprouve simplement de l’amitié ? Je pourrais très difficilement dire « oui ». Le mot « ami » semble trop léger. L’amitié est un sentiment de sympathie, un doux attachement d’affection. L’amitié véritable est bien belle mais c’est toujours un lien privilégié, électif : je choisis mes amis, et je ne pourrais être ami de tous, sinon je ne serai ami de personne. Ainsi, on n’est jamais réellement désintéressé dans l’amitié – même si l’intérêt que l’on y recherche peut être très noble – la sagesse par exemple, ou une certaine élévation intellectuelle ou spirituelle. On éprouve de l’amitié pour une personne, souvent parce que l’on ressent en elle l’attraction d’une supériorité intérieure.

Mais Jésus, en employant ici le terme « ami », il semble vouloir révolutionner le sens de l’amitié : vivre parfaitement l’amitié ce sera désormais donner la vie pour ses amis. Et qu’est-ce que cela veut dire : donner la vie ? L’expression que l’on trouve dans le texte grec est : « déposer son âme ». Dans le langage johannique comme dans plusieurs textes de l’Ancien Testament, le mot « âme » peut désigner autant la vie que la personne. Déposer son âme, c’est se dépouiller de sa vie et de sa personne, c’est s’abandonner entièrement pour l’autre. Ce n’est plus l’amitié qu’on peut parler avec quelque légèreté, mais la pure folie de l’amour.

Voulez-vous être ami comme le Christ l’est ? Alors déposez votre vie, dépossédez de votre personne, soyez entièrement disponible à la disposition de ceux que vous appelez « amis ». Est-ce vraiment possible ? Mais avant de vouloir être un tel ami pour les autres, il faudrait peut-être déjà être ami d’un tel AMI.

« Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande », et « mon commandement le voici : aimez-vous les unes les autres, comme je vous ai aimés ». Aimez comme vous êtes aimés, aimez avec l’amour que vous avez reçu – recevez d’abord mon amour pour vous, et ensuite imitez moi en aimant les autres. L’amour commence par se laisser aimer. L’amour commence par nous rendre disponible, réceptif voire docile pour l’amour de Celui qui nous aime, Celui qui nous appelle « amis ».

En effet, l’Evangile d’aujourd’hui révèle le sens très profond de l’Evangile du Jeudi Saint. À la sainte Cène, l’Apôtre saint Pierre ne voulait pas que le Seigneur lui lavât les pieds : « C’est toi Seigneur qui me laves les pieds ? (…) Non, jamais. » Et le Seigneur lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». Et ce n’est pas pour te purifier que je te lave : tu es déjà purifié – mais laisse moi faire, laisse moi te servir, car mon amour pour toi m’exige que je sois ton serviteur, ton esclave, que mon amour pour toi puisse s’exprimer, se réaliser, s’accomplir jusqu’au bout – le Christ ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout (Jn 13,1).

Autant il est agréablement valorisant de manifester sa générosité, sa largesse dans un prodigieux geste d’amour, autant il peut paraître humiliant, abaissant, infantilisant de recevoir docilement un amour qui est plus grand que nous-mêmes – mais c’est ainsi que l’amour s’édifie, c’est ainsi que la charité se construit.

Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés : mais c’est avec l’amour que vous recevez de moi que vous pouvez véritablement aimer les autres – voulez-vous aimer sans mon exemple ? Mais sans moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5), le sarment qui se détache de la vigne  se desséchera et ne pourra donner aucun fruit (Jn 15,4). Soyez donc d’abord mes amis, recevez mon amour et demeurez dans mon amour : c’est seulement ainsi que vous pouvez aimer comme je vous le commande, c’est seulement ainsi que vous deviendrez « amis » des hommes comme moi je le suis pour vous.

Mais nous laisser aimer par le Christ, c’est nous ouvrir tout entier à Lui, jusqu’à la partie la plus intime, la plus humble, la plus obscure de nous-mêmes, c’est lui exposer toutes nos misères, toutes nos bassesses, et même nos hontes, c’est le voir s’agenouiller devant nous, pour nous laver les pieds par ses mains divines : sommes nous prêts de le laisser faire ? Ou bien sommes nous aussi embarrassés que l’Apôtre saint Pierre ?

Aujourd’hui, encore une fois, le très haut se fera tout petit afin de se donner à nous, à notre mesure, dans la très sainte Eucharistie, savons-nous que c’est l’amour infini que nous allons recevoir entre nos lèvres ? Craignons nous le poids inimaginable de cette petite hostie chargée de son amitiés ? Ou bien, puissions nous dire, en toute humilité, avec saint François d’Assise : ne retenons pour nous rien de nous-mêmes, afin que nous recevions tout entier, Celui qui se donne à nous tout entier (Epistola toti ordini, 29).

dimanche 22 avril 2018

Je suis le Bon Pasteur

« Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent », dit le Seigneur. Souvenons-nous que Lui-même avait dit dans l’évangile selon saint Matthieu : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24). C’est sans doute la raison pour laquelle, par son incarnation, le Fils de Dieu est devenu le fils du peuple élu : il a dressé sa tente parmi les siens (Jn 1,14). Cependant, lorsque l’heure est venue, l’universalité de sa mission se manifeste, et Il affirme que : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix, il y aura un seul troupeau, un seul Pasteur ». Cette parole est dite à la veille de la Passion de Notre-Seigneur, et fait partie de son discours d’adieux. En quelque sorte, elle prépare déjà l’envoi en mission de ses disciples.


C’est au soir de Pâques que cet envoi en Mission devient parfaitement explicite : « Comme le Père m’a envoyé, Moi aussi, Je vous envoie » (Jn 20,21) ; vous qui m’avez suivi et qui croyez en Moi,  vous ferez les œuvres que moi j’ai fait – ressembler les brebis perdues de la maison d’Israel – et vous en ferez « même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14,12) : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19) ; « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15).

Par cet envoi, les disciples du Christ devinrent véritablement les envoyés – c’est-à-dire : les Apôtres du Seigneur. C’est à eux de continuer l’œuvre du Maître et la faire grandir : ils vont devoir sortir de leur enclos – leur région natale – et aller arpenter et sillonner toutes les régions du monde pour annoncer : annoncer l’avènement du Royaume, annoncer la Parole du salut éternel, annoncer le nom du Sauveur, et par ce nom, rassembler tous les enfants de Dieu, les brebis dispersées à tous les horizons.

Et pourtant, toutes les brebis du monde ne reconnaîtront qu’une seule voix : la voix du Christ Jésus, la voix de l’unique bon Pasteur. C’est la seule voix qui rassemble, la seule voix qui sauve.

C’est aux Apôtres d’annoncer la Parole, mais c’est la voix de Jésus qui doit être entendu ; ce sont les disciples qui ont été envoyés, mais c’est le visage de Jésus qui doit être reconnu ; ce sont les Apôtres qui marchent et qui œuvrent, mais c’est Dieu qui triomphe, et à Lui seul la gloire, la louange, et toutes actions de grâce.

L’authenticité d’un engagement apostolique est vérifiée par sa gratuité, et la réussite d’un apôtre du Christ vient de son propre renoncement. C’est en ceci que l’on reconnaît une œuvre évangélique : le missionnaire s’efface dans son labeur, et fait paraître le Christ mort et ressuscité.

À l’opposé de ce renoncement et cette gratuité, se trouvent la vanité des présomptueux et la cupidité des mercenaires. Ceux qui cherchent la satisfaction de leur ego ne pourraient jamais endurer l’âpreté du chemin de la mission, leurs travaux seront nécessairement stériles et éphémères.

Et nous savons bien que tous les Apôtres du Seigneur ont fini par donner leurs vies pour la Mission évangélique – ils sont à la fois Apôtres et Martyrs, envoyés et témoins. Ils ont donné leurs vies pour l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ. Et bien avant eux, il y avait déjà l’exemple de Jean le précurseur, celui qui a témoigné la venue du Messie en déclarant à tous : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3,30).

Diminuer et non anéantir : de même que le Fils reçoit de nouveau la vie dans la victoire de sa résurrection, de même, ses Apôtres qui ont donné leur vie à l’exemple du Maître recevront par leur témoignage la vie nouvelle en abondance.

Aujourd’hui, la Mission évangélique continue, le Seigneur appelle les ouvriers à sa moisson. Et nous savons combien est grand le terrain et nombreuses les brebis dispersées. Chaque baptisé, selon son état de vie, est appelé à s’engager dans l’œuvre du Seigneur. Mais aujourd’hui comme hier, les brebis n’écoutent qu’une seule voix, la voix douce et aimante du Christ Jésus ; et elles ne reconnaissent qu’un seul visage, le visage humble et miséricordieux de Notre-Seigneur. Que le Seigneur grandisse en chacun de nous, que son sa voix retentisse par la nôtre, que son visage rayonne en nous, et que notre ego s’efface, et alors, le Royaume avance.