« Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière » ; cette Parole du Seigneur Jésus pourrait susciter aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, quelques étonnements, quelques sarcasmes, voire quelques grincements de dents – mais elle rencontrera surtout beaucoup d’indifférence. On demandera : la vérité tout entière – mais quelle vérité ? La tienne ? Et qu’est-ce que j’ai à faire avec ta vérité ? Pour beaucoup de nos contemporains, ce mot « vérité » est dénué de signification. Et si l’on accorde encore quelque sens à ce vocable désuet, il se réduira à l’appréciation strictement personnelle et subjective de chacun sur le monde réel tel qu’il aperçoit – et personne ne peut ni doit imposer aux autres sa vision du réel – à chacun sa vérité, selon son bon plaisir.
Mais qu’est-ce que cette
liberté si chère à nos contemporains ? Karl Marx l’imagina ainsi :
Dans la société communiste, il deviendra possible de « faire ceci
aujourd’hui, et cela demain, chasser le matin, pêcher l’après-midi, le soir
faire de l’élevage, et se livrer à la critique après le dîner, exactement comme
j’en ai envie » (cité par Ratzinger,
Discerner et agir, p.208). On n’a pas besoin d’avoir fait des études très poussées
en l’histoire contemporaine pour savoir qu’aucun des pouvoirs communistes du 20e
siècle n’a pu rendre possible cette liberté rêvée par Karl Marx, les révolutionnaires
de cette mouvance ont surtout instauré dans leurs pays la terreur totalitaire et
sanguinaire et ont imposé à leurs peuples l’esclavage, la misère et l’extrême pauvreté.
Après l’effondrement lamentable et spectaculaire de quasi-totalité des pouvoirs
communistes à la fin du siècle dernier, la rêverie de Karl Marx demeure
cependant, très étrangement, comme l’image toujours irremplaçable de la seule
vraie liberté pour une grande majorité des occidentaux d’aujourd’hui, et le
slogan est toujours : « Faire exactement comme j’en ai envie ».
Et si vraiment était cela
la vraie liberté, alors, tous ceux qui s’imposent à moi sans que je les ai
choisis, me seront des menaces et entraveront ma liberté. Il me serait impensable
d’accorder une place à une vérité universelle qui ne dépendra pas de ma volonté :
seuls sont vrais ceux que je reconnais et qualifie comme tels. Il faut bannir
donc devant moi tout ce que je n’ai pas voulu ou choisi. Cette vision de la
liberté continue à donner les fruits néfastes à nos jours, telle que l’éthique
minimale prônée par un certain Ruwen Ogien, philosophe français, cynique apologiste
de la pornographie, du sadisme et du cannibalisme.
Cependant, en face de
cette liberté qui rejette catégoriquement toute vérité qui se veut universelle,
se trouve une autre liberté : la liberté qui ne se revendique pas, mais
qui se reçoit ; la liberté qui ne s’oppose pas à la vérité ni l’exclut,
mais qui s’enracine dans la vérité révélée par la vie de Jésus-Christ ; la
liberté qui est celle vers laquelle nous conduit l’Esprit-Saint, l’Esprit de
Vérité, le don de Dieu ; la liberté qui est celle de tous les enfants de
Dieu, qui se savent aimés du Père, et qui l’aiment en retour – en esprit et en
vérité.
« Veritas liberabit vos – La vérité vous
rendra libres » (Jn 8,32) ; cette vérité, la vérité offerte par
Jésus-Christ, dans le don de l’Esprit-Saint, est libératrice, puisqu’elle
révèle à nous qui nous sommes en réalité, depuis Le commencement, lorsque nous
étions encore une pensée de Dieu ; elle est libératrice, puisqu’elle
éveille en nous l’amour qui nous a été donné, même avant notre existence,
l’amour qui est la semence même de notre vie ; cette vérité est
libératrice, puisqu’elle ne nous enlève rien, absolument rien, mais elle nous
édifie, et nous donnera la plénitude de nous-mêmes ; cette vérité est
libératrice, puisqu’elle ne nous enferme dans aucune certitude, mais elle nous
fera avancer, toujours plus loin, en éclairant notre route ; cette vérité
est libératrice, puisqu’elle ne comporte aucune rigidité, aucune lourdeur, mais
elle se transforme en nous, en une source d’eau vive, qui fécondera nos cœurs,
et nous donnera mille élans infatigables ; cette vérité est libératrice,
puisqu’elle est une personne, la personne, qui veut être notre
ami, notre frère, et qui veut nous donner sa propre vie.
L’Esprit-Saint, l’Esprit
de Vérité nous conduira à la Vérité tout entière : mais le don de
l’Esprit-Saint nous est déjà donné, la vérité nous est déjà révélée. Ouvrons
nos yeux, ouvrons surtout nos cœurs au don de Dieu – que ce souffle divin nous
pénètre, nous remplisse, et nous élève vers Lui, Amen.
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