Abbe J-S

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vendredi 18 mai 2018

Veritas liberabit vos – La vérité vous rendra libres : Pour la Solennité de la Pentecôte 2018


 
« Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière » ; cette Parole du Seigneur Jésus pourrait susciter aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, quelques étonnements, quelques sarcasmes, voire quelques grincements de dents – mais elle rencontrera surtout beaucoup d’indifférence. On demandera : la vérité tout entière – mais quelle vérité ? La tienne ? Et qu’est-ce que j’ai à faire avec ta vérité ? Pour beaucoup de nos contemporains, ce mot « vérité » est dénué de signification. Et si l’on accorde encore quelque sens à ce vocable désuet, il se réduira à l’appréciation strictement personnelle et subjective de chacun sur le monde réel tel qu’il aperçoit – et personne ne peut ni doit imposer aux autres sa vision du réel – à chacun sa vérité, selon son bon plaisir. 

En effet, aujourd’hui tout discours qui mène à dire qu’il est une certaine vérité véritable et universelle sera considérée comme douteux, voire dangereux ; et toute personne qui oserait s’affirmer comme défenseur de « la seule vérité » sera qualifiée de fanatique. Mais pourquoi ce rejet haineux d’une vérité objective et universelle ? Puisque, si la vérité se voit détrônée dans la hiérarchie des valeurs, celle qui l’a remplacée s’appelle la liberté. La liberté est à nos jours la valeur suprême : la liberté de la création, la liberté de l’expression, la liberté de l’émancipation, etc., ce sont des libertés intouchables.

Mais qu’est-ce que cette liberté si chère à nos contemporains ? Karl Marx l’imagina ainsi : Dans la société communiste, il deviendra possible de « faire ceci aujourd’hui, et cela demain, chasser le matin, pêcher l’après-midi, le soir faire de l’élevage, et se livrer à la critique après le dîner, exactement comme j’en ai envie » (cité par Ratzinger, Discerner et agir, p.208). On n’a pas besoin d’avoir fait des études très poussées en l’histoire contemporaine pour savoir qu’aucun des pouvoirs communistes du 20e siècle n’a pu rendre possible cette liberté rêvée par Karl Marx, les révolutionnaires de cette mouvance ont surtout instauré dans leurs pays la terreur totalitaire et sanguinaire et ont imposé à leurs peuples l’esclavage, la misère et l’extrême pauvreté. Après l’effondrement lamentable et spectaculaire de quasi-totalité des pouvoirs communistes à la fin du siècle dernier, la rêverie de Karl Marx demeure cependant, très étrangement, comme l’image toujours irremplaçable de la seule vraie liberté pour une grande majorité des occidentaux d’aujourd’hui, et le slogan est toujours : « Faire exactement comme j’en ai envie ».

Et si vraiment était cela la vraie liberté, alors, tous ceux qui s’imposent à moi sans que je les ai choisis, me seront des menaces et entraveront ma liberté. Il me serait impensable d’accorder une place à une vérité universelle qui ne dépendra pas de ma volonté : seuls sont vrais ceux que je reconnais et qualifie comme tels. Il faut bannir donc devant moi tout ce que je n’ai pas voulu ou choisi. Cette vision de la liberté continue à donner les fruits néfastes à nos jours, telle que l’éthique minimale prônée par un certain Ruwen Ogien, philosophe français, cynique apologiste de la pornographie, du sadisme et du cannibalisme.

Cependant, en face de cette liberté qui rejette catégoriquement toute vérité qui se veut universelle, se trouve une autre liberté : la liberté qui ne se revendique pas, mais qui se reçoit ; la liberté qui ne s’oppose pas à la vérité ni l’exclut, mais qui s’enracine dans la vérité révélée par la vie de Jésus-Christ ; la liberté qui est celle vers laquelle nous conduit l’Esprit-Saint, l’Esprit de Vérité, le don de Dieu ; la liberté qui est celle de tous les enfants de Dieu, qui se savent aimés du Père, et qui l’aiment en retour – en esprit et en vérité.

« Veritas liberabit vos – La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32) ; cette vérité, la vérité offerte par Jésus-Christ, dans le don de l’Esprit-Saint, est libératrice, puisqu’elle révèle à nous qui nous sommes en réalité, depuis Le commencement, lorsque nous étions encore une pensée de Dieu ; elle est libératrice, puisqu’elle éveille en nous l’amour qui nous a été donné, même avant notre existence, l’amour qui est la semence même de notre vie ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne nous enlève rien, absolument rien, mais elle nous édifie, et nous donnera la plénitude de nous-mêmes ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne nous enferme dans aucune certitude, mais elle nous fera avancer, toujours plus loin, en éclairant notre route ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle ne comporte aucune rigidité, aucune lourdeur, mais elle se transforme en nous, en une source d’eau vive, qui fécondera nos cœurs, et nous donnera mille élans infatigables ; cette vérité est libératrice, puisqu’elle est une personne, la personne, qui veut être notre ami, notre frère, et qui veut nous donner sa propre vie.

L’Esprit-Saint, l’Esprit de Vérité nous conduira à la Vérité tout entière : mais le don de l’Esprit-Saint nous est déjà donné, la vérité nous est déjà révélée. Ouvrons nos yeux, ouvrons surtout nos cœurs au don de Dieu – que ce souffle divin nous pénètre, nous remplisse, et nous élève vers Lui, Amen.

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