Abbe J-S

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samedi 21 juillet 2018

Que cherchez-vous ? (22 juillet 2018 – 16e dimanche B)

On s’impressionne toujours devant les phénomènes de masse, les événements qui font déplacer une foule immense. On pense aux concerts de Johnny ou ceux des Rolling Stones. Mais il semble que le plus grand concert dans l’histoire est celui de Jean-Michel Jarre, qui a eu lieu en 1997 à Moscou, le compositeur de la musique électronique a rassemblé 3.5 millions de spectateurs. Le Pape François n’en fait pas moins. Selon les journalistes, la Messe qu’il a présidée à Manille en janvier 2015 a réuni 6 million de catholiques. Et il y a une semaine, aussitôt après la victoire de l’équipe de France au Coupe du monde, il semble qu’il y a quelques vingt millions de français qui sont descendus dans la rue pour savourer ce moment de gloire. Au cœur de ces incroyables mobilisations, il y a toujours une ou un petit groupe de personnes, qui ont connu un exaltant exploit, ou qui sont doués d’un charme ou d’un charisme tellement fascinant. Alors que la foule qui vient les célébrer, les acclamer, ne fait qu’agrandir leurs auras et affirmer leur succès.  

Pour certains historiens, Jésus de Nazareth était un tel homme charismatique de son temps. Il était un prodigieux faiseur de miracles, un orateur hors pair. Dès le début de sa carrière, il a réussi à conquérir son public et acquérir un très grand renom. L’Evangile que nous avons entendu aujourd’hui semble pouvoir confirmer cette thèse. Jésus accueille ses disciples, revenus de mission, enthousiasmés mais harassés. Alors le Maître veut partir avec eux dans un endroit désert afin qu’ils se reposent. Cependant, la foule, ayant compris leur intention, se précipite et les précède à leur destination, afin de ne pas se séparer de Jésus. Quelle foule de supporteurs fidèles et fervents – et Jésus, quelle star !

Cependant, en regardant cette foule, Jésus ne voit que des brebis perdues, sans berger.

Et cela semble étrange. Lui-même n’a-t-il pas dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la Maison d’Israël » (Mt 15,24) ? Alors aujourd’hui ces brebis se rassemblent autour de Lui : c’est Lui le Berger, Il se trouve devant son propre troupeau, pourquoi Il voit toujours en eux des brebis perdues ?

Mais la question est : pourquoi la foule le suit ? Que cherchent-ils ces gens qui ne le lâchent pas ?

Afin de comprendre leur attitude, revenons un instant sur le phénomène des bleus. Pourquoi les français célèbrent la victoire des bleus ? Parce que, malheureusement la plupart d’entre eux n’ont qu’une vie tellement médiocre, parce qu’ils sont saturés de soucis, d’angoisse, de déceptions ; et enfin il y a quelque chose ils peuvent célébrer, alors allons y ! Mais après avoir crié durant une nuit « on a gagné », le lendemain matin, ou quelques jours plus tard, ils comprendront qu’ils ne font pas partie de cet « on » qui a gagné – ils étaient simplement cloués dans leurs canapés avec les yeux fixés sur un écran pendant 90 minutes, ils n’ont jamais rien gagné, et rien n’a changé dans leur vie.

Oui, ce qui mobilise ces supporteurs des bleus, c’est leur vide, c’est leur manque, c’est l’ennui de leur quotidien.

Et la foule qui entoure Jésus – pourquoi le suivent-ils là ? Puisqu’ils voient en Lui le guérisseur qui relève les malades, le magicien qui chasse des démons, qui, avec cinq pains et deux poissons a nourri cinq mille hommes. Ils sont là parce qu’ils ont faim, parce qu’ils ne veulent plus confronter à la faim, à la souffrance, à la maladie, à la mort, parce qu’ils se savent fragiles et vulnérables, ils veulent être protégés, soutenus par quelqu’un de vraiment puissant.

Mais pour Jésus, il ne s’agit rien de tout cela : je ne suis pas venu pour faire quelques miracles et guérir quelques malades. Vous avez été nourris ? Mais vous aurez toujours faim, comme vos pères qui ont été nourris par la manne tombée du Ciel, ils n’ont pas été rassasiés une fois pour toutes, ils sont tous morts. Vous avez été guéris de vos maladies ? Mais vous serez de nouveau malades, puisque votre vie n’est que passagère, elle est mortelle. Mais écoutez, je ne suis pas venu pour vous faire des miracles, je suis venu pour vous donner moi-même : « je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ; (…) Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6,51.53-54).

Alors, aussitôt qu’Il prononça ces mots – l’échec : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » La foule se disperse aussi rapidement qu’alors elle s’est réunie. Seuls les Douze restent avec Lui. Et Il leur demanda : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Et Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,67-68).

La Parole de la vie éternelle – voila ce que Jésus veut nous donner. Et cette Parole, c’est Lui-même ; la nourriture qui apaisera à jamais notre faim, qui nous donnera la Vie véritable, c’est Lui-même. La sainte Communion que nous recevrons de Lui dans quelques instants, c’est Lui-même, c’est  Lui notre Vie, c’est Lui la vie éternelle. C’est pour cela qu’Il s’est fait chair, c’est pour cela qu’Il se donne dans l’Eucharistie.

Et nous, pourquoi on se ressemble aujourd’hui dans cette église ? Qu’est-ce que nous célébrons ? Qu’est-ce que nous cherchons ? Qu’est-ce que nous attendons de Jésus ?


Une chose est certaine : si nous ne désirons pas ce que Lui veut nous donner, nous sommes toujours des brebis perdues, sans berger et sans espoir.



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