On s’impressionne
toujours devant les phénomènes de masse, les événements qui font déplacer une
foule immense. On pense aux concerts de Johnny ou ceux des Rolling Stones. Mais
il semble que le plus grand concert dans l’histoire est celui de Jean-Michel
Jarre, qui a eu lieu en 1997 à Moscou, le compositeur de la musique
électronique a rassemblé 3.5 millions de spectateurs. Le Pape François n’en
fait pas moins. Selon les journalistes, la Messe qu’il a présidée à Manille en
janvier 2015 a réuni 6 million de catholiques. Et il y a une semaine, aussitôt après
la victoire de l’équipe de France au Coupe du monde, il semble qu’il y a
quelques vingt millions de français qui sont descendus dans la rue pour
savourer ce moment de gloire. Au cœur de ces incroyables mobilisations, il y a
toujours une ou un petit groupe de personnes, qui ont connu un exaltant exploit,
ou qui sont doués d’un charme ou d’un charisme tellement fascinant. Alors que
la foule qui vient les célébrer, les acclamer, ne fait qu’agrandir leurs auras
et affirmer leur succès.
Pour certains historiens,
Jésus de Nazareth était un tel homme charismatique de son temps. Il était un prodigieux
faiseur de miracles, un orateur hors pair. Dès le début de sa carrière, il a
réussi à conquérir son public et acquérir un très grand renom. L’Evangile que
nous avons entendu aujourd’hui semble pouvoir confirmer cette thèse. Jésus
accueille ses disciples, revenus de mission, enthousiasmés mais harassés. Alors
le Maître veut partir avec eux dans un endroit désert afin qu’ils se reposent.
Cependant, la foule, ayant compris leur intention, se précipite et les précède
à leur destination, afin de ne pas se séparer de Jésus. Quelle foule de
supporteurs fidèles et fervents – et Jésus, quelle star !
Cependant, en regardant
cette foule, Jésus ne voit que des brebis perdues, sans berger.
Et cela semble étrange. Lui-même
n’a-t-il pas dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la
Maison d’Israël » (Mt 15,24) ? Alors aujourd’hui ces brebis se
rassemblent autour de Lui : c’est Lui le Berger, Il se trouve devant son
propre troupeau, pourquoi Il voit toujours en eux des brebis perdues ?
Mais la question
est : pourquoi la foule le suit ? Que cherchent-ils ces gens qui ne
le lâchent pas ?
Afin de comprendre leur
attitude, revenons un instant sur le phénomène des bleus. Pourquoi les français
célèbrent la victoire des bleus ? Parce que, malheureusement la plupart
d’entre eux n’ont qu’une vie tellement médiocre, parce qu’ils sont saturés de
soucis, d’angoisse, de déceptions ; et enfin il y a quelque chose ils
peuvent célébrer, alors allons y ! Mais après avoir crié durant une nuit
« on a gagné », le lendemain matin, ou quelques jours plus tard, ils
comprendront qu’ils ne font pas partie de cet « on » qui a gagné –
ils étaient simplement cloués dans leurs canapés avec les yeux fixés sur un
écran pendant 90 minutes, ils n’ont jamais rien gagné, et rien n’a changé dans
leur vie.
Oui, ce qui mobilise ces
supporteurs des bleus, c’est leur vide, c’est leur manque, c’est l’ennui de
leur quotidien.
Et la foule qui entoure
Jésus – pourquoi le suivent-ils là ? Puisqu’ils voient en Lui le
guérisseur qui relève les malades, le magicien qui chasse des démons, qui, avec
cinq pains et deux poissons a nourri cinq mille hommes. Ils sont là parce
qu’ils ont faim, parce qu’ils ne veulent plus confronter à la faim, à la
souffrance, à la maladie, à la mort, parce qu’ils se savent fragiles et
vulnérables, ils veulent être protégés, soutenus par quelqu’un de vraiment
puissant.
Mais pour Jésus, il ne
s’agit rien de tout cela : je ne suis pas venu pour faire quelques
miracles et guérir quelques malades. Vous avez été nourris ? Mais vous
aurez toujours faim, comme vos pères qui ont été nourris par la manne tombée du
Ciel, ils n’ont pas été rassasiés une fois pour toutes, ils sont tous morts.
Vous avez été guéris de vos maladies ? Mais vous serez de nouveau malades,
puisque votre vie n’est que passagère, elle est mortelle. Mais écoutez, je ne
suis pas venu pour vous faire des miracles, je suis venu pour vous donner
moi-même : « je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si
quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai,
c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ; (…) Si vous ne mangez
pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez
pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie
éternelle » (Jn 6,51.53-54).
Alors, aussitôt qu’Il
prononça ces mots – l’échec : « Cette parole est rude ! Qui peut
l’entendre ? » La foule se disperse aussi rapidement qu’alors elle s’est réunie.
Seuls les Douze restent avec Lui. Et Il leur demanda : « Voulez-vous
partir, vous aussi ? » Et Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui
irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,67-68).
La Parole de la vie
éternelle – voila ce que Jésus veut nous donner. Et cette Parole, c’est
Lui-même ; la nourriture qui apaisera à jamais notre faim, qui nous
donnera la Vie véritable, c’est Lui-même. La sainte Communion que nous
recevrons de Lui dans quelques instants, c’est Lui-même, c’est Lui notre Vie, c’est Lui la vie éternelle.
C’est pour cela qu’Il s’est fait chair, c’est pour cela qu’Il se donne dans l’Eucharistie.
Et nous, pourquoi on se
ressemble aujourd’hui dans cette église ? Qu’est-ce que nous
célébrons ? Qu’est-ce que nous cherchons ? Qu’est-ce que nous
attendons de Jésus ?
Une chose est
certaine : si nous ne désirons pas ce que Lui veut nous donner, nous
sommes toujours des brebis perdues, sans berger et sans espoir.
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