« Donne-moi
à boire », dit Jésus à la femme samaritaine.
À
cet instant-là, cette femme surprise, voire troublée par une telle
demande aussi brusque que inattendue, qu’est-ce qu’elle voit ?
Elle voit sous le soleil brûlant un homme assis à côté du puits,
épuisé et affamé, accablé par la fatigue et tourmenté par la
chaleur insupportable du midi, un homme totalement exposé dans sa
vulnérabilité, dans sa fragilité, et qui la regarde avec
insistance.
En
cet homme-là, elle reconnaîtra, dans quelques instants, le Messie,
le Sauveur du monde, le Sauveur qu’elle-même a tant désiré et
attendu.
Augustin
d’Hippone, le très grand penseur chrétien et philosophe, en
commentant ce passage de l’Évangile dans un sermon, il dit :
Jésus qui est « la force même », est présentement
« faible » ; il est fort, car il est la Parole
créatrice de Dieu – au commencement était le Verbe, par Lui tout
a été fait et rien n’a été fait sans lui ; mais il est
faible, car – le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi
nous. La force du Christ nous a créés, la faiblesse du Christ nous
a recréés ; « la force du Christ a donné l’existence
à ce qui n’était pas, la faiblesse du Christ a préservé de la
mort ce qui était ; il nous a créés par sa force, il nous a
recherchés par sa faiblesse ».
« Donne-moi
à boire », dans cette voix assoiffée, nous entendons
peut-être quelques faibles échos des pleurs de l’Enfant de
Bethléem qui agitait dans la pauvre mangeoire, ou nous entendons
peut-être aussi, de loin, la voix de l’homme de douleur, suspendu
sur la Croix qui dit : « j’ai soif ».
Mais
qu’est-ce que cette soif de Jésus ? Cette soif si ardente,
sinon la soif de notre soif.
Oui,
Jésus a soif de notre soif, et en nous montrant sa soif, il veut
éveiller la nôtre, la vraie soif profonde qui se cache en nous ;
il veut nous entendre dire enfin : donne-nous ton eau qui
deviendra en nous une source d’eau vive, et qu’elle étanche
notre soif pour l’éternité !
Mais
connaissons-nous cette soif ? Cette soif si vive mais bien
souvent insensible, qui se déguise en une multitude de désirs, mais
qui nous ronge à l’intérieur et qui creuse en nous un vide
toujours plus grand ? Ou bien, sachions nous que en chacun il y
a cette femme samaritaine, qui vit en usant sa liberté comme un
enfant insolent traite capricieusement ses jouets, mais qui, ayant
peur du regard des autres, s’enferme dans sa solitude, et s’expose
seule sous le soleil hostile, et s’épuise jour après jour sur un
chemin qui ne finit pas, en cherchant cette eau qui ne peut apaiser
sa soif que pour un instant.
Mais
entendons-nous cette voix qui vibre en nous et nous demande :
donne-moi à boire ? Voyons-nous ce regard, ce regard comme ce
puits au lueur profonde qui sans violence aucune, pénètre en nous
en faisant taire la honte dont depuis si longtemps nous sommes
captifs.
Oui,
il est là, ici et maintenant et il nous demande humblement :
donne-moi à boire. Et si nous sommes aujourd’hui ici réunis,
n’est-ce pas pour nous offrir tout simplement à son regard, et lui
répondre chacun en son nom : mais donne-moi ton eau, qu’elle
devienne en moi la fontaine d’eau vive.
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