Abbe J-S

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samedi 7 mai 2016

Homélie lors des obsèques de Lucile, une petite filles de 17 mois (7 mai 2016)

Lorsque j'ai reçu la sollicitation d'officier ce matin pour les obsèques de Lucile, il m'est venu ces quelques vers du Mystère des saints Innocents de Charles Péguy :
« ce que mon Fils a dit une fois, sinite parvulos venire ad me – laissez les petits venir à moi – je le redis, on me le fait redire toutes les fois (quel engagement !)
« Et mon Fils l’avait dit de quelques enfants qui jouaient et qui, aussitôt bénis, le quittèrent pour retourner jouer.
« Mais moi je le dis, on me le fait dire à chaque enfant qui ne retournera plus jouer, sinon dans mon paradis.
« Or cela (quel engagement !) je le redis à cet office des morts, à qui tout vient aboutir, auquel tout s’achemine ».
Dans ces mots que le poète a mis dans la bouche de Dieu le Père, nous pouvons entendre un ton de regret, une certaine amertume ineffable : il semble que c'est avec grande peine que Dieu appelle à Lui toutes les petites âmes innocentes et ailées. N'avait-Il vraiment pas d'autres choix que de nous imposer une telle séparation ? Mais Il ne s'explique pas. La douleur n'a pas besoin d'explication. La mort n'a pas besoin d'explication. Expliquer la mort, c'est donner raison à la mort, mais la mort n'a jamais eu aucune raison.
Lucile, je ne peux pas oublié ton petit visage de que, durant quelques instants, j'ai pu fixer sans pouvoir prononcer un mot. C'était peu après ton départ, et j'ai toujours devant moi tes yeux fermés, et cette pâleur qui t'environne et semble dégager une petite lueur argentée mais délicate. Avec crainte, j'ai demandé la permission de toucher son front, et très doucement, j'y ai tracé un petit signe de croix. Ai-je laissé sur toi une bénédiction ? Mais, ne voudrais-je pas, moi, y rester et te contempler longuement, jusqu'à ce que ta beauté angélique clarifie mon regard, et que ton silence serein et exquis apaise et remplisse mon cœur ?
Lucile, ta maman vient de te dire : de ta façon, tu auras marqué beaucoup de gens. Elle a raison. Tu es cette petite lumière qui résistera toute nuit et toutes ténèbres. Comment puisse s'éteindre cette lumière ? Nous savons que si tu t'éloignes de nous, ce n'est pas pour nous quitter et disparaître, mais aujourd'hui les anges t'élèvent au-dessus de nous, et pour nous, tu te transformeras en une étoile. Et, par tes rayons paradisiaques, tu nous révélera le paysage qui se cache derrière les horizons de notre pauvre existence.

Jadis, lors des obsèques d'un tout petit, le prêtre disait toujours ce verset de psaume : « Beati immaculati in via, Heureux les sans tache dans la voie ». Lucile, détachée de toute souillure, tu nous dis ce qu'est l'innocence, et tu entres aujourd'hui dans un bonheur auquel nous n'avons pas d'accès, et dont nous n'avons aucune connaissance. Mais nous savons que tu nous regardes, et que tu veilleras sur nous, et que depuis la Maison de Dieu, tu nous enverra la fraîcheur du ciel, qui séchera nos larmes, et allumera notre espérance.    

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