Abbe J-S

Abbe J-S

dimanche 4 mars 2018

3ème Dimanche de Carême 2018

« Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs... » Est-ce bien celui-là le Roi pacifique annoncé par le Prophète Zacharie (Za 9,9) ? Est-ce bien lui qui s’est dit « doux et humble de cœur » ? Son visage enflammé de colère semble à présent inconnaissable. Et surtout, est-ce que sa colère peut vraiment se justifier ?

D’abord, pourquoi y-a-t-il ces marchands au Temple ?

Pourquoi y-a-t-il ces vendeurs d’animaux ? Tout simplement, parce qu’il y des Juifs de diaspora qui sont venus de partout, parfois de régions bien lointaines, et qui sont venus offrir le sacrifice prescrit par la Loi, et il faut bien qu’ils puissent acheter de quoi offrir.

Et pourquoi les changeurs de monnaie ? Parce que la monnaie qu’utilisent les pèlerins sont les pièces romaines, qui portent l’image de César – considérée comme une sorte d’idolâtrie. Il est donc impossible d’utiliser de telle monnaie dans le lieu saint.

Et bien, il est donc tout à fait normal que ces marchands soient présents au Temple, puisqu’ils sont nécessaires pour le fonctionnement du Sanctuaire ! Et le fonctionnement est une affaire tout à fait humaine, et il n’y a rien de religieux, rien de spirituel, et rien de scandaleux non plus !

Et alors, pourquoi Jésus a chassé les marchands ? En les chassant, à qui a-t-il déclaré la guerre ? Et bien, à la « normalité » du monde : c’est à ce Temple qui est devenu aujourd’hui une machine commerciale, une entreprise complètement mondaine et qui arbore les apparences de la normalité que Jésus a déclaré la guerre.

Cependant, il faudrait bien que les affaires tournent, afin que ce lieu sacré soit entretenu, n’est-ce pas vrai ? Mais qu’est-ce que « affaire » ? Dans le grand livre de Léon Bloy, « Exégèse des lieux communs », il est un chapitre intitulé « Les affaires sont les affaires », et on y trouve ce passage : « Les Affaires sont l’Inexplicable, l’Indémontrable, l’Incirconscrit, au point qu’il suffit d’énoncer ce Lieu commun pour tout trancher, pour museler à l’instant les blâmes, les colères, les plaintes, les supplications, les indignations et les récriminations. Quand on a dit ces neuf syllabes, on a tout dit, on a répondu à tout et il n’y a plus de Révélation à espérer. » Et bien oui, quand le Temple devient un système d’affaires, quand le culte devient une histoire de fonctionnement, quand l’adoration des fidèles devient un processus machinal, Dieu n’y a plus sa place. Vous êtes des pèlerins ? Vous êtes venus pour offrir vos sacrifices ? Alors, allez d’abord chez les changeurs de monnaie, puis vous passez par les boutiques pour y procurer vos offrandes, et une fois la bête est sur l’autel et la fumée monte, l’affaire est conclue. Mais Dieu s’en fiche ! Et Il s’en fiche royalement ! Il ne veut pas la fumée du sacrifice, Il veut entendre le murmure des cœurs brisés et broyés de ses fidèles ; et hélas, le murmure du cœur est étouffé par le bruit des affaires.

C’est ainsi que le monde s’instaure son règne, et c’est ainsi que les grands de ce monde prennent
leurs pouvoirs. Il n’y a jamais rien de nouveau sous le soleil. La décadence du Temple de Jérusalem est devenue à nos jours la décadence mondialisée. Et combien nombreuses sont les affaires diverses d’aujourd’hui. Avant tout, il y a bien sûr des affaires économiques, il y a ensuite des affaires politiques, des affaires éthiques et morales, des affaires culturelles et en dernier lieu, les affaires religieuses. Et l’on nous enjoint de ne pas faire d’amalgame ! De ne pas mélanger les domaines, les compétences, les concepts. Est-ce que notre Dieu n’est que le Dieu des affaires religieuses ? Mais si notre Dieu n’est pas le Maître souverain de tout et de toute l’histoire, qu’avons-nous besoin de Lui ?

Fouet à la main, le Seigneur entra dans le Temple où on n’avait plus besoin de Dieu, et il s’est mis à faire le ménage en dégageant ces hommes d’affaires qui se sont interposés entre Dieu et son peuple.

Aujourd’hui, dans un monde où l’on veut exclure Dieu définitivement, c’est à nous de faire le ménage – en commençant par le ménage de nous-mêmes, le ménage dans notre vie, le ménage dans notre cœur.

A-y-t-il dans notre vie des domaines, où nous ne voulons pas que Dieu intervienne ? A-y-t-il des recoins dans notre cœur où nous ne voulons pas que Dieu pose son regard ? Alors, c’est bien là il faudrait un bon coup de balai !

La troisième semaine de Carême : opération nettoyage – bon courage !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire