Aujourd’hui, le
premier dimanche de Carême, l’Eglise nous invite à écouter le passage de
l’Évangile où le Christ Notre-Seigneur est tenté par le Diable.
« En
ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit, pour être tenté par le
Diable ». « Pourquoi s’est-il
rendu accessible à la tentation ? –
demande saint Augustin, et il poursuit en disant – pour nous aider comme
médiateur à triompher des tentations, non seulement par la puissance de son
secours, mais encore par l’efficacité de son exemple ». Jésus nous
montre « son exemple », c’est-à-dire que le Seigneur estime que nous
pouvons l’imiter, nous pouvons suivre son modèle, nous pouvons même agir comme
lui, et cela suppose que nous en sommes capable.
Affamés,
épuisés, nous sommes capables de refuser le pain qui peut nous empoisonner, en
nous disant que « l’homme ne vit pas seulement
de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; menacés, mis en péril, nous sommes capables de tenir bon et rester confiant, sans faire de chantage avec le Seigneur, puisque nous ne mettrons pas Dieu « à l’épreuve » ; Et devant les artifices de toutes sortes de séductions, nous sommes encore capables de tourner le dos au tentateur, puisque nous n’adorons que Dieu seul, et que nul autre ne pourra nous mettre à genoux.
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; menacés, mis en péril, nous sommes capables de tenir bon et rester confiant, sans faire de chantage avec le Seigneur, puisque nous ne mettrons pas Dieu « à l’épreuve » ; Et devant les artifices de toutes sortes de séductions, nous sommes encore capables de tourner le dos au tentateur, puisque nous n’adorons que Dieu seul, et que nul autre ne pourra nous mettre à genoux.
Oui,
nous en sommes capables. Mais pourquoi le Christ est aussi certain de notre
capacité ? Puisqu’Il sait que nous sommes créés à son image et selon sa
ressemblance. Comme Lui, nous pouvons discerner, nous pouvons choisir, nous
pouvons décider, et personne d’autre ne pourra le faire à notre place :
puisque nous sommes créés libres, à l’image de Dieu qui est souverainement
libre.
Puisque
nous sommes libres, nous pouvons donc choisir librement le bien, la vérité,
l’amour, au lieu de nous incliner devant la richesse, le prestige, la
fascination. Aucune idole ne peut se diviniser et se glorifier devant nous, à
moins que nous rejetions nous-mêmes notre liberté et choisissions l’idolâtrie.
Mais
certains pensent que l’homme ne mérite pas la liberté. Je pense à l’immense
chef d’œuvre de Dostoïevski, Les frères Karamazov, le fameux
discours du grand inquisiteur qui accusait Jésus, revenu discrètement dans le
monde, en lui disant : « Tu veux aller dans le monde et Tu y vas
les mains vides, en prêchant aux hommes une liberté à laquelle, dans leur
simplicité, dans leur anarchie originelles, ils ne peuvent même pas donner un
sens, une liberté dont ils ont peur, qui les effraie — car rien, jamais,
ni pour la société humaine, ni pour l'homme n'a été plus insupportable que la
liberté ! Vois-Tu ces pierres dans ce désert brûlant et nu ?
Change-les en pains, et l'humanité se précipitera derrière Toi comme un
troupeau, reconnaissant, obéissant, même s'il tremble éternellement que Tu
retires Ta main, et que Tes pains viennent à disparaître. Mais Tu n'as pas
voulu priver l'homme de liberté, et Tu as rejeté cette proposition, car quelle
liberté est-ce donc, as-Tu pensé, lorsque l'obéissance est achetée au prix du
pain ? Tu as répondu que l'homme ne vit pas que de pain, mais
sais-Tu bien que c'est au nom de ce même pain terrestre que l'esprit de la
terre se lèvera contre Toi, et ira Te combattre, et Te vaincra, et que tous le
suivront, [...] Sais-Tu que les siècles passeront et que l'humanité
proclamera par la voix de sa sagesse et de sa science que le crime n'existe
pas, et que le péché n'existe pas non plus, qu'il n'existe que des
affamés ».
Oui,
selon le grand inquisiteur, le péché n’existe pas, il n’est point de pécheur,
il n’existe que des affamés, il n’existe que des problèmes matériels,
sociaux-économiques, il suffit que les gens soient comblés, soient satisfaits,
alors que tous iront bien.
Ce
genre de discours ne nous est pas étranger, nous le lisons dans les journaux,
nous les entendons dans la bouche des notables qui parlent sur les plateaux de
télévision et qui prétendent avoir une solution pour chacun de nos problèmes.
Mais tous ceux qui se déguisent et se positionnent en homme providentiel ont un
cœur saturé de mépris.
Les
grands inquisiteurs n’ont jamais été absent de l’histoire, et ils sont très
présents aujourd’hui dans nos actualités. Il y a deux siècles, Napoléon 1er
osait dire déjà : « [...] les
hommes ne naissent pas pour être libres. La liberté n'est un besoin que pour
une catégorie peu importante de la population ». Et 10 ans après la Guerre, en 1956, Albert Camus s’alarmait en
annonçant que dans un monde menacé de désintégration, « nos grands
inquisiteurs risquent d'établir pour toujours les royaumes de la mort ».
Oui,
les grands inquisiteurs veulent plus que jamais instaurer leur règne. Mais la mort ne règnera
jamais, et aucun esclavage ne peut s’imposer à nous, si nous sommes conscients
de notre liberté et si nous y tenons. Le temps de Carême nous est donné pour
que nous cultivions notre liberté, en repérant et en nous éloignant de tous
ceux qui nous rabaissent, de tous ceux qui nous chosifient, de tous ceux qui veulent
interposer entre Dieu et nous – puisque tous ceux qui nous séparent de Dieu
nous rendent esclaves, et c’est notre foi qui alimente et édifie notre liberté.
Soyons libres, soyons libres comme le Christ l’est devant le tentateur, et avec
le Christ nous triompherons.
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