Abbe J-S

Abbe J-S

dimanche 15 novembre 2015

Homélie du 10 novembre 2015, suite aux attentats à Paris

Depuis cette nuit, la France n’est plus la même ; depuis cette nuit, le monde n’est plus le même ; depuis cette nuit, notre vie n’est plus la même.
Depuis cette nuit : cette nuit tachée de sueurs et de sangs, cette nuit saturée de peur, de cris, de hurlements, cette nuit portant le visage de la barbarie, et depuis, tout n’est plus le même. Rien ne demeure le même.
Et cette nuit que nulle aube ne peut effacer, que nulle lumière ne peut dissiper, que nulle force ne peut ébranler, elle se prolonge, elle se prolonge dans notre peur, elle voile notre vue, elle enveloppe notre cœur.
Et nous le savions. Nous le savions depuis si longtemps. Nous le savions depuis le matin du 7 janvier dernier. Une année s’ouvrant dans le sang, elle s’achèvera sous la pesanteur de la mort.
Nous ne parlons plus de sécurité. Il n’y a plus de sécurité. Nous sommes en guerre. La France est en guerre. Puisque quelqu’un nous a déclaré la guerre.
Monsieur le président de la république nous dit que : nous savions d’où venaient ces attaques, nous savions qui étaient ces terroristes. Mais qui sont ils ? Que savons-nous ? Savons-nous leur visage ? Oui, puisque leur visage est le même que le nôtre. Savons-nous où se trouvent leurs maisons ? Oui, puisque leurs maisons sont à côté des nôtres. Ils sont là, ils sont parmi nous, ils sont nos voisins d'un même quartier, nous les voyons le matin en allant au travail, nous les croisons dans le train, dans le métro, dans les supermarchés.
Et nous savons même le nom qu’ils portent : ils s’appellent « homme ».
Ceux sont des hommes. Et comme elle est terrifiante cette réalité : « L'homme est un loup pour l'homme – Homo homini lupus », selon la fameuse formule de Plaute.
Mais comment se fait-il ? Que se passe-t-il ? Il m’est revenue cette horrible sentence de Louis Veuillot : « Lorsque l’insolence de l’homme a obstinément rejeté Dieu, alors Dieu dit : Eh bien, que ta volonté soit faite ! Et le dernier fléau est lâché. Ce n’est pas la famine, ce n’est pas la peste, ce n’est pas la mort, c’est l’homme. Quand l’homme est livré à l’homme, alors on peut dire qu’il connaît la colère de Dieu. »
Mais, est-ce vraiment l'absence de Dieu qui a fait disparaître l'humanité de ces hommes ? Ces hommes-là, n'est-ce pas au nom de dieu qu'ils tuent et qu'ils se tuent ? N'est-ce pas en criant le nom de leur dieu qu'ils ont tiré sur les hommes et ont fait exploser leurs propres chairs ?
Mais, existe vraiment un dieu qui se réjouit du spectacle d'un tel carnage ? Existe vraiment un dieu qui prend plaisir en s'abreuvant au sang de ses créature ? Existe vraiment un dieu qui veut la mort de l'homme au lieu de lui donner la vie ? Existe vraiment ce dieu ?
Nous, nous connaissons cependant notre Dieu, qui est doux et humble de cœur, il se laisse conduire par ses bourreaux comme une brebis qui se laisse conduire pour aller jusqu'à l’abattoir, et il a été outragé, bafoué, martyrisé. Et bien plus, chaque fois lorsque l'on outrage un homme, c'est toujours lui que l'on outrage ; lorsque l'on bafoue un homme, c'est toujours lui que l'on bafoue ; et lorsque l'on martyrise un homme, c'est encore lui que l'on martyrise.
À cette nuit, à cette nuit meurtrière, à chaque balle tirée, les épines de son couronne s'enfoncent dans son front, et il saigne, et il pleure, il pleure avec nous, il pleure sur nous.
Mais, espérons, espérons, et disons peut-être avec notre ami Charles Péguy : « Les armes de Jésus c'est la peine de l'homme, c'est le chemin qui mène et qui ramène à Rome, c'est la main qui le frappe et poing qui l'assomme. »
Seigneur, que ta grâce vienne, que ce monde passe. Amen.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire