« Voici
une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes
nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant
Trône et devant l’Agneau ».
Cette
vision de l’Apôtre saint Jean dessinée dans le livre de
l’Apocalypse nous révèle ce qu’est réellement la victoire du
Christ : la victoire du Christ, la victoire de la sainte Croix
se manifeste par ce peuple des sauvés ; ce peuple en chair et
en os, ce peuple debout, vivant, ce peuple qui est la nouveauté
suprême et ultime du Ciel nouveau et de la terre nouvelle, ce peuple
qui élève nos âmes vers les réalités d’en haut, vers les
réalités du siècle à venir, vers les réalités qui, pénétrant
déjà dans l’air de notre temps comme signe de salut et de
contradiction.
Oui,
en cette foule immense et indénombrable, rayonne la victoire du
Christ, la gloire de l’amour de Dieu. Mais pourquoi l’Église
nous invite à contempler cette liturgie céleste aujourd'hui ?
En quoi cette foule nous concerne, de sorte qu’elle fasse l’objet
de cette solennité que nous célébrons ? Qui sont-ils pour
nous, ceux qui constituent cette immense foule ?
Ces
questionnements nous invitent à revenir sur un élément essentiel
de notre foi : à la Messe dominicale chaque fois lorsque nous
professons notre foi baptismale par le symbole des Apôtres, nous
disons que nous croyons à la Communion
des saints.
Cette Communion des saints, qui semble peut-être à un concept
théologique plutôt difficile est en effet le nom le plus exacte de
notre Église : « l’Église une, sainte, catholique et
apostolique » est véritablement la Communion
des saints,
sa réalité totale déborde grandement sa réalité visible et
terrestre. Les saints dont les noms et les visages nous sont bien
familiers, les saints qui nous ont touchés par la sublimité de leur
enseignement, par l’ardeur de leur amour, par le rayonnement de
l’exemple de leur vie, mais aussi les saints dont les noms et les
parcours nous sont inconnus mais Dieu seul connaît la beauté de
l’âme bien qu'elle est bien cachée sous le voile de l'humilité :
tous ces élus du Ciel qui forment ensemble cette immense foule
devant la majesté de Dieu, ils sont nos aînés dans la foi. Par
leur ouverture intérieure à l’Esprit-Saint, le Christ, Fils
unique du Dieu vivant est présent en chacun de ces membres. C’est
par eux que nous voyons la destinée lointaine de notre chemin de
chrétien ; c’est par eux que nous comprenions que notre
combat ne consiste pas à instaurer une chrétienté mondaine, ou à
réaliser un idéal spirituel à notre mesure humaine, et qu’ici-bas
l’amour véritable, l'amour que nous recevons de Dieu, ne peut
qu’être vécu comme une blessure ouverte, dans laquelle sera semée
la semence du Royaume des Cieux.
Mais
en admirant cette liturgie céleste de tous les saints, nous savons
aussi que ce n’est pas non plus un arrière monde ou une arrière
vie que nous espérons : lorsque nos voix rejoignent les leurs,
nos cœurs s’enflamment en touchant la pureté de leur charité, et
le Ciel est déjà parmi nous : puisque, cimentés par la foi
reçue d’un même baptême, nous constituons ensemble d’un même
édifice, qui s’élève sur l’horizon de l’éternité, et
unifiés par celui-ci notre vie béatifique a déjà commencé.
Oui, aujourd’hui cette foule immense s’ouvre devant nous, afin que
nous puissions y prendre chacun et chacune notre place, bien qu’il
y a encore ce chemin qui nous sépare, bien qu'il y a encore ce
mystérieux paradoxe du « déjà là et pas encore »,
mais que cette vision bienheureuse soit déjà le visage de notre
espérance, qui nous illumine, qui nous encourage, qui veille sur
nous.
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