Sur
une terre étrangère, la terre de Décapole, on amena à Jésus une
personne sourde qui avait aussi de la difficulté à parler.
C’est-à-dire que cette personne n’est pas muette, il pouvait
parlait mais il parlait avec peine, il parlait confusément, ses
paroles étaient sans doute difficilement compréhensibles. C’est
peut-être autant plus pénible : en étant déjà entouré par
un silence impénétrable, et en plus la voix qui sortait de sa
bouche ne pouvait pas faire vraiment entendre sa pensée.
Oui,
nous pouvons dire que pour quelqu’un qui n’entendait pas, et
aussi dépourvu de toute assistance technique, il est normal qu’il
ne pouvait pas apprendre à parler correctement. Mais le Seigneur l’a
guéri, comme il a guéri aussi bien d'autres malades et infirmes.
Cependant,
que signifie vraiment cette guérison ? Nous savons bien que
Notre-Seigneur n’est pas venu seulement pour nous libérer de nos
souffrances et nos handicapes physiques. Tous les récits de guérison
dans les Évangiles, en effet, nous invitent à une lecture croyante
et spirituelle, et à une conversion toujours plus profonde.
Ces
derniers jours, en méditant sur ce passage de saint Marc, il m’est
venu spontanément l’histoire de la Tour Babel. Dans le chapitre XI
du livre de la Genèse, on raconte qu’après le déluge, tous les
peuples du monde parlaient encore une seule langue. Alors ils
décidèrent de construire ensemble, sur une terre plaine à
l’Orient, une tour, dont le sommet arrivera jusqu’au Ciel. Cette
entreprise n’arrivera pas à la fin souhaitée par les hommes :
ils n’iront pas au Ciel par leur effort purement humain. Cependant,
à force de vouloir s’élever par eux-mêmes, ils perdirent celle
qui les liait les uns aux autres : c’est-à-dire, l’entente
mutuelle. La confusion de la langue commune ne venait pas de la
jalousie de Dieu, mais la rupture entre Dieu et l’homme. C’est le
rejet de Dieu qui engendre la division entre les hommes. En bouchant
ses oreilles à la Parole de Dieu, la voix des autres devint elle
aussi étrangère et inaudible.
L’unité
de toute l’humanité ne se trouve qu’en Dieu. C’est dans le
Verbe divin, c’est-à-dire, dans la Personne du Fils, en qui
l’amour filial communique l’amour paternel, que l’homme
entendra la voix de son prochain, son semblable, et reconnaîtra en
lui son frère.
Aujourd’hui,
devant le Seigneur Jésus, dans cette personne sourde et privée de
parole, c’est toute l’humanité pécheresse, prisonnière de la
division et de la solitude qui se présente devant son Rédempteur et
attend de lui son secours. Et, Notre-Seigneur, le Verbe de Dieu fait
chair, va la saisir de ses mains.
Combien
elle est touchante cette matérialité de ses gestes ! Afin de
briser la surdité de l’homme, la Parole de Dieu devint manifeste
et palpable, et avec ses doigts de Créateur, elle ouvre ses oreilles
et délie sa langue.
« Effata »,
dans ce mot que nous avons tous entendu le jour de notre baptême, se
déploie les mystères du salut. Dieu vient nous ouvrir, il vient
nous libérer de nous-mêmes, de notre ego qui nous réduit en
multitude d’individu ; mais en faisant pénétrer en nous la
Parole de Vérité et d’Amour, il nous redonne cette ressemblance
divine que nous avons perdu en nous détournant de lui, c’est-à-dire,
la capacité d’aimer.
C’est,
étant inspirés du Verbe divin, que l’amour mutuel se communique
dans notre parole qui sort de nos cœurs.
Et
aujourd’hui, le Seigneur par sa présence eucharistique va encore
s’adresser à chacun de nous : lorsque ce divin corps touchera
nos lèvres, qu’il ouvrira aussi nos cœurs ici et maintenant, que
nous entendions la voix de nos frères qui crie vers nous depuis tous
les horizons.
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