Abbe J-S

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vendredi 11 septembre 2015

Homélie du XXIIIe dimanche, l'année B, à l'église Saint-Maximin de Thionville

Sur une terre étrangère, la terre de Décapole, on amena à Jésus une personne sourde qui avait aussi de la difficulté à parler. C’est-à-dire que cette personne n’est pas muette, il pouvait parlait mais il parlait avec peine, il parlait confusément, ses paroles étaient sans doute difficilement compréhensibles. C’est peut-être autant plus pénible : en étant déjà entouré par un silence impénétrable, et en plus la voix qui sortait de sa bouche ne pouvait pas faire vraiment entendre sa pensée.
Oui, nous pouvons dire que pour quelqu’un qui n’entendait pas, et aussi dépourvu de toute assistance technique, il est normal qu’il ne pouvait pas apprendre à parler correctement. Mais le Seigneur l’a guéri, comme il a guéri aussi bien d'autres malades et infirmes.
Cependant, que signifie vraiment cette guérison ? Nous savons bien que Notre-Seigneur n’est pas venu seulement pour nous libérer de nos souffrances et nos handicapes physiques. Tous les récits de guérison dans les Évangiles, en effet, nous invitent à une lecture croyante et spirituelle, et à une conversion toujours plus profonde.
Ces derniers jours, en méditant sur ce passage de saint Marc, il m’est venu spontanément l’histoire de la Tour Babel. Dans le chapitre XI du livre de la Genèse, on raconte qu’après le déluge, tous les peuples du monde parlaient encore une seule langue. Alors ils décidèrent de construire ensemble, sur une terre plaine à l’Orient, une tour, dont le sommet arrivera jusqu’au Ciel. Cette entreprise n’arrivera pas à la fin souhaitée par les hommes : ils n’iront pas au Ciel par leur effort purement humain. Cependant, à force de vouloir s’élever par eux-mêmes, ils perdirent celle qui les liait les uns aux autres : c’est-à-dire, l’entente mutuelle. La confusion de la langue commune ne venait pas de la jalousie de Dieu, mais la rupture entre Dieu et l’homme. C’est le rejet de Dieu qui engendre la division entre les hommes. En bouchant ses oreilles à la Parole de Dieu, la voix des autres devint elle aussi étrangère et inaudible.
L’unité de toute l’humanité ne se trouve qu’en Dieu. C’est dans le Verbe divin, c’est-à-dire, dans la Personne du Fils, en qui l’amour filial communique l’amour paternel, que l’homme entendra la voix de son prochain, son semblable, et reconnaîtra en lui son frère.
Aujourd’hui, devant le Seigneur Jésus, dans cette personne sourde et privée de parole, c’est toute l’humanité pécheresse, prisonnière de la division et de la solitude qui se présente devant son Rédempteur et attend de lui son secours. Et, Notre-Seigneur, le Verbe de Dieu fait chair, va la saisir de ses mains.
Combien elle est touchante cette matérialité de ses gestes ! Afin de briser la surdité de l’homme, la Parole de Dieu devint manifeste et palpable, et avec ses doigts de Créateur, elle ouvre ses oreilles et délie sa langue.
« Effata », dans ce mot que nous avons tous entendu le jour de notre baptême, se déploie les mystères du salut. Dieu vient nous ouvrir, il vient nous libérer de nous-mêmes, de notre ego qui nous réduit en multitude d’individu ; mais en faisant pénétrer en nous la Parole de Vérité et d’Amour, il nous redonne cette ressemblance divine que nous avons perdu en nous détournant de lui, c’est-à-dire, la capacité d’aimer.
C’est, étant inspirés du Verbe divin, que l’amour mutuel se communique dans notre parole qui sort de nos cœurs.
Et aujourd’hui, le Seigneur par sa présence eucharistique va encore s’adresser à chacun de nous : lorsque ce divin corps touchera nos lèvres, qu’il ouvrira aussi nos cœurs ici et maintenant, que nous entendions la voix de nos frères qui crie vers nous depuis tous les horizons.


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