Abbe J-S

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dimanche 27 mars 2016

Homélie pour le saint Jour de Pâques

« Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin, c'était encore les ténèbres ».
Depuis le jour de la sainte Passion, l'obscurité qui enveloppa le monde sembla inébranlable. Et c'est dans cette obscurité régnante, que Marie-Madeleine avançait en allant vers celui que son cœur aimait. Elle allait vers lui, vers celui qui l'a sauvée en brisant les chaînes de honte qui l'avaient rendue esclave, celui qui l'a revêtue d'innocence et d'une beauté toute nouvelle – la beauté de fille de Dieu ; elle allait vers lui, qui était non seulement son libérateur mais aussi son ami, son Maître, son Seigneur, en qui s'incarnait la Parole de vie et le véritable sens de son existence.
Mais elle avançait dans les ténèbres : le soleil pouvait-il encore se lever, si la lumière de toutes lumières était déjà engloutie par la nuit de la mort ?
Marie-Madeleine marchait dans les ténèbres. Mais elle ne fut pas la seule prisonnière de cette nuit interminable. Les apôtres qui n'ayant rien compris de la sainte Écriture ni les enseignements du Seigneur, s'étaient réfugiés derrière la porte verrouillée de Cénacle, là où la nuit de la tristesse se prolongea, s'obscurcit et s'alourdit par les doutes et la peur grandissante.
La nuit semble indéfiniment installée, son règne semble irréversible. Mais c'est justement au cœur de cette nuit même que le vrai Vainqueur s'est levé d'entre les morts.
« J'avais dit: les ténèbres m'écrasent ! mais la nuit devient lumière autour de moi. Même la ténèbre pour toi n'est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière ! » Ces mots du psaume 138e semblent vouloir bien illustrer ce qui s'est produit dans la nuit de la résurrection : du tombeau sort le soleil invincible, en Lui la nuit se transfigure en lumière.
Dans la sainte Écriture, la nuit est bien souvent cette scène mystérieuse sur laquelle se déroulent les œuvres les plus éclatantes de Dieu. C'était durant une nuit bien longue que le déluge inaugura une ère nouvelle ; c'était également durant une nuit particulièrement intense que la Mer Rouge fut divisée afin que les fils d'Israël pussent traverser à pieds secs et poursuivre leur chemin de libération ; c'était dans la nuit la plus douce, que le divin Enfant naquit à Bethléem, comme une lumière se leva au sein des ténèbres ; et c'est également dans une nuit bénie et sanctifiée, que le Christ est ressuscité, et par sa mort Il a détruit la mort.
Marchant dans les ténèbres, les amis Jésus, accablés par la tristesse et les questionnements cherchèrent le corps de leur Maître meurtri, sur lequel ils pouvaient pleurer et lamenter. Mais ils ne trouveront que le tombeau vide, l’œuvre de la méchanceté n'est plus, le Seigneur n'est pas prisonnier du tombeau, Il est vivant.
Dans le tombeau vide, est née la foi en Ressuscité.
Frères et sœurs, ne sommes nous pas, nous aussi, les disciples marchant sur un chemin obscur ? En voyant les spectacles de la barbarie se produire devant nos yeux l'un après l'autre avec une férocité toujours plus fracassante, en voyant la terre que nous avons reçu de la main du Créateur se défigurer et se désertifier à cause de notre lâcheté et notre cupidité, en voyant les cœurs s'éloigner et s'endurcir par la haine, l’ignorance et l'indifférence, en voyant la pourriture de la corruption s'enfler, se dilater, jusqu'à envahir toutes les sphères de notre société, les désordres de ce monde nous embrouille le cœur et nous rend aveugles, nous pouvons nous demander : où sommes nous ? Vers où allons nous? Que cherchons nous finalement ?
Mais frères et sœurs, cherchons le Seigneur ! Comme Marie-Madeleine, comme Pierre et Jean, malgré la nuit obscure, malgré notre tristesse, malgré nos chagrins et nos doutes, allons en avant et cherchons le Seigneur, et nous découvrirons que le tombeau est vide, et Notre-Seigneur est vivant comme Il l'avait promis.
Oui, Notre-Seigneur et notre Dieu est vraiment ressuscité. Saisons donc la main du Ressuscité, et avec Lui, traversons ce monde qui passe et allons vers Père de Miséricorde : tel est le chemin de notre foi, le sens véritable de notre vie. Ne laissons pas notre foi étouffer par les soucis de ce monde, et soyons sûrs de l'amour de Dieu, le Dieu d'Amour, le Dieu de Jésus-Christ, l'unique vrai Dieu ne se détourne jamais à un cœur qui s'ouvre à Lui, même dans la nuit la plus obscure.
Je voudrais terminer par ces quelques vers de saint Jean de la Croix, tirés d'un poème intitulé « Chant de l'âme » :
« Je sais bien la source qui coule et fuit, malgré la nuit.
« Cette source éternelle est hors de vue, moi je sais bien là où est sa venue, malgré la nuit.
« L'origine n'en sais, car n'en a point, mais je sais que toute origine en vient, malgré la nuit.

« Je sais qu'il n'est nulle chose si belle, et que cieux et terre boivent en elle, malgré la nuit. » 

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