Abbe J-S

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mercredi 18 février 2015

Homélie du 18 février 2015, pour le Mercredi des Cendres (Sur le Ps 50)

Nous venons de réciter ensemble le Psaume 50e, le Miserere, une très belle et célèbre prière, un vrai bijou du Psautier. Le Pape saint Jean-Paul II considérait ce psaume comme « la méditation la plus profonde sur la faute et sur la grâce ». Cette méditation nous ouvre aujourd'hui le temps quadragésimal, le saint temps du Carême.
« Miserere mei, Deus : secundum magnam misericordiam tuam, Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton grand amour miséricordieux », le psalmiste – ou le roi David, selon la tradition juive ainsi que la tradition chrétienne, implore d'abord la miséricorde de Dieu, la puissante miséricorde qui est capable d'effacer le péché, de purifier le pécheur en le lavant tout entier de sa grâce. Ces quelques premiers versets nous font entendre le motif de tout le psaume – le pécheur s’adresse à un Dieu riche d'amour et capable de pardon, un Dieu sensible, un Dieu qui se laisse toucher et qui sauve.
Cependant, une telle vision de Dieu suppose en même temps une vision sincère et honnête du pécheur sur lui-même. Dans l'exemple du psalmiste, il s'agit de la contrition, dire à Dieu : « Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi ». Il est question de se regarder en vérité. Il est question de se présenter devant Dieu avec sa misère et dans sa nudité : c'est bien mon péché qui est devant moi, non celui d'un autre ; et il est tellement présent devant moi, comme une poutre dans mon œil, il m'accuse et il me rend aveugle.
Mais qu'est-ce que le péché ?
Le mot « péché » vient du mot hébreu « pesha », « il exprime la rébellion d'un sujet à l'égard de son souverain » ; et pour le croyant, il ne signifie rien de moins que « un défi ouvert lancé à Dieu et son projet pour l'histoire humaine » (Jean-Paul II). C'est pourquoi le psalmiste continue en disant : « Contre toi et toi seul j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux je l'ai fait ». Ce verset touche en effet le sens profond du péché : « le péché n'est donc pas une simple question psychologique ou sociale, mais c'est un événement qui entame la relation avec Dieu, en violant sa loi, en refusant son dessein, en détruisant l'échelle des valeurs, ''en faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres'', c'est-à-dire ''en appelant le mal bien et le bien mal'' (cf. Is 5,20). Avant d'être une quelconque injure faite à l'homme, le péché est tout d'abord une trahison à l'égard de Dieu ». (Jean-Paul II)
Si le péché est d'abord et surtout une trahison à l'égard de Dieu, il abîme inévitablement notre relation avec Lui. Et par conséquent, le pardon du péché n'est rien d'autre que la réparation de cette relation blessée : elle est blessée par notre péché, mais Dieu seul capable de la réparer, c'est pourquoi le psalmiste se met en présence de Dieu et il s'accuse.
Le pécheur s’accuse devant Dieu : les plus âgés entre nous gardent peut-être encore ce souvenir que dans le temps d'autrefois, dans la confession on commençait toujours son aveu par « Je m'accuse ». Cette formule n'est plus exigée aujourd'hui sans doute à cause de sa connotation très grave. Cependant, nous pouvons voir dans l'exemple du psalmiste qu'il est nécessaire de se reconnaître pécheur devant Dieu et nommer son péché avec courage et humilité, afin de reconstruire avec le Seigneur une relation nouvelle, vraie et juste.
Mais il est aussi important de souligner que cette auto-accusation n'est en aucun cas une simple culpabilisation qui nous fait replier sur nous-mêmes ; en effet, elle est un véritable acte de foi et d'espérance. Regardons le psalmiste, en se reconnaissant pécheur, il demande à Dieu la purification : oui le péché m'a souillé, mais toi mon Créateur, tu sais que je ne peux pas être réduit à mon péché, puisque c'est Toi qui m'as créé, tu m'as créé selon ton image et j'ai été bon et innocent à l’origine ; alors si tu daignes effacer mon péché, si tu daignes me recréer par ta miséricorde, moi pécheur, je serai de nouveau pur comme une créature nouvelle : « Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige », ce verset 9 que nous n'avons pas récité dans la liturgie d’aujourd’hui est pourtant une clef pour comprendre tout le psaume 50e.
Oui, la miséricorde divine est infiniment plus grande et plus puissante que notre péché, quelque soit sa pesanteur, Dieu dans sa miséricorde sans limite peut toujours nous libérer et nous relever ; et comme dit la sœur sainte Faustine : « que le pécheur entrouvre un peu la porte de son cœur, […] le reste c'est Dieu qui l'accomplira ».
Que le temps du Carême soit pour nous un chemin de l’ouverture du cœur : l’ouverture à Dieu, l’ouverture à notre prochain, et que la grâce de Dieu nous pénètre, nous purifie et nous transforme.

Amen.

dimanche 8 février 2015

Homélie du 5e dimanche du Temps Ordinaire de l'Année B, 8 Février 2015

Dans la première lecture de ce dimanche, Job nous a fait entendre cette triste affirmation : « Vraiment, la vie de l'homme sur la terre est une corvée » ; il est surprenant, il est peut-être même injurieux qu'une telle parole nous l'avons attribuée à Dieu, et nous avons même rendu grâce pour elle. Est-ce vraiment que la vie de l'homme sur la terre n'est qu'une corvée ? Et quelle corvée ? Job nous dit ceci : « Comme l'esclave qui désire un peu d'ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, […] (mais) je n'ai en partage que le néant » ; cette lamentation de Job nous fait voir le vrai malheur de cette corvée : si l'homme n’œuvre que pour lui-même, s'il n'a pour l'objet qu'une consolation éphémère et une rétribution imminente, il n'obtiendrait rien que le néant, et il ne serait jamais comblé, satisfait ; et toute sa peine, ne certifie que davantage le vide sans fond qui l'habite. Et si notre vie n'est que cela, est-elle vraiment un don de Dieu ?
Or, dans la deuxième lecture, l'apôtre Paul, en décrivant son engagement dans la mission, nous illustre une autre possibilité de notre vie actuelle. Cette vie est en effet aussi laborieuse, puisque Paul dit : « libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave de tous ». Et pourtant, cet esclavage que Paul lui-même a choisi ne vise aucunement un gain à son intérêt personnel, mais il a pour but de « gagner le plus grand nombre possible » d'hommes – non pour lui Paul, mais pour l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour que cet Évangile soit annoncé à tous, qu'il gagne le cœur de tous. Et même s'il ne pouvait gagner que « quelques uns », peu importe, pour ces quelques uns, « à tout prix », il se fera « tout à tous ». Et cet engagement, que lui-même a qualifié de l’esclavage, n'est point pour lui une infortune, le malheur est plutôt le contraire : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l’Évangile ! » dit l'Apôtre.
Nous voyons que Job pris dans sa peine, pour lui, sa vie n'est qu'une corvée ; et Paul labourait dans le champ du Seigneur, mais pour lui son malheur c'est surtout être séparé de son ouvrage. En comparant ces deux témoignages, nous pouvons comprendre que ce qui décide si notre vie est heureuse ou malheureuse, ce n'est pas tant la pesanteur qu'elle porte, mais plutôt l'horizon qu'elle vise.
La vie de Paul est laborieuse mais heureuse, puisque cette vie est entièrement un don offert à Dieu pour son œuvre dans le service des autres.
Offrir sa vie à Dieu, c'est la noble vocation de tout homme. Saint Ignace de Loyola nous dit : « L’homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu Notre-Seigneur ». Puisque nous sommes créés pour Dieu, pour sa gloire et pour participer à sa gloire, notre vie ne se réalise que en tant que offrande faite à Dieu. Cette offrande peut se réaliser dans une vie formellement consacrée, comme la vie religieuse ou la vie sacerdotale qui porte en soi un signe visible du Royaume de Dieu dans le monde présent ; elle peut aussi se réaliser dans la vie de tout homme et de toute femme, dans la vie familiale, dans la vie professionnelle, en tant que époux ou épouse, en tant parent ou enfant, en tant employé ou employeur. Le même saint Paul nous enseigne ainsi dans sa lettre aux colossiens : « tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » (Col 3,17).
Et une vie offerte à Dieu s'oriente nécessairement vers le service des autres. Puisque, si nous osons libérer en nous le don de Dieu qui est l'amour gratuit que nous avons reçu dans le sacrifice de Notre-Seigneur, il deviendra un élan puissant qui nous poussera à dépasser notre égoïsme, et nous nous inclinerons dans la joie pour laver les pieds de nos frères comme Notre-Seigneur Jésus-Christ, et comme l'Apôtre Paul, nous serons fiers d'être esclaves de tous.

Chers amis, c'est à nous de choisir si notre vie est une corvée ou un bonheur, choisissons le chemin du bonheur, il nous mènera vers le Seigneur.