Après
avoir écouté ce passage de l'évangile selon saint Jean bien connu,
mesurons-nous l'humilité surprenante de Notre-Seigneur ?
« Si
je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas
mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans
son côté, non, je ne croirai pas ! » L'Apôtre Thomas refusa
ainsi de croire le témoignage de ses collègues.
Le
refus de Thomas provient d'une attitude parfaitement humaine, une
attitude que l'on peut même qualifier de « scientifique ».
Pour l'homme, ceux qui ne peuvent être abordé, vérifié, analysé
par ses sensibilités, n'offrent pas non plus de sens intelligibles,
et ne sont donc pas crédibles. Cette attitude est une attitude juste
et honorable à l'intérieur des sciences de nature.
Or,
les réalités de Dieu s'échappent aux sciences à la mesure de
l'homme. La résurrection de Jésus-Christ n'est pas une réalité
qui puisse être saisie par les sensibilités humaines ni par son
entendement.
Devant
les limites de l'homme, devant sa misérable petitesse,
Notre-Seigneur, le Ressuscité, il ne s'en moque pas. Encore une
fois, il s'abaisse. Il s'adresse à son disciple incrédule, non pour
le reprocher, mais pour s'offrir à lui : tu veux voir mes
plaies ? Tu veux les toucher ? Me voici, regarde-moi,
avance ta main...
Si
aujourd'hui, le premier dimanche après Pâques, nous célébrons la
miséricorde de Dieu, sachons bien que dans cette miséricorde divine
il n'y a rien de condescendent à notre égard. Dieu nous dit sa
miséricorde dans son humilité. C'est par cette inconcevable
humilité que son Verbe, le Verbe de Vie, le Verbe en qui se révèlent
tous les mystères du Ciel, s'est fait chair de notre chair : Le
Verbe s'est chair, et il a demeuré parmi nous, afin que nos yeux
puissent le contempler, et que nos mains puissent le toucher, et que,
malgré notre pauvreté et l'obstacle de nos péchés, nous ayons
l'accès aux mystères de Dieu et à la vie divine.
Et
cette humilité de Dieu a fait l'écho dans le cœur de son disciple.
Si, l'Apôtre Thomas incarne, en quelque sorte, l'incrédulité de
l'homme, il est non moins le modèle de la conversion. C'est dans sa
bouche que nous avons entendu cette incomparable profession de foi :
« Mon Seigneur et mon Dieu ». C'est le sommet de toutes
les professions de foi des quatre évangiles. Et c'est la seul
profession de foi qui attribue à Jésus-Christ le titre de « Dieu ».
Le
Ressuscité, celui qui s'est relevé d'entre les morts, est notre
Dieu. Ce n'est pas la marque des clous qui a révélé à Thomas
ceci, mais c'est son cœur qui s'est ouvert à l'amour infiniment
grand et infiniment humble du Dieu vivant.
Notre-Seigneur,
en se faisant humble, a pu obtenir l’ouverture du cœur de l'Apôtre
Thomas. Aujourd'hui, il s'adresse à nous, sous un aspect encore plus
humble – il s'adresse à nous sous le voile de l'Eucharistie. Dans
la très sainte Eucharistie, le Seigneur s'offre à chacun de nous,
non seulement il nous laisse le contempler, il nous laisse le
toucher, et bien plus, par la sainte Communion, il veut devenir une
partie de nous-mêmes.
Le
Pape saint Pie X, une très grande figure de sainteté du XXe
siècle, a donné ce conseil admirablement judicieux à tous les
fidèles catholiques : à chaque Messe, lors de l'élévation
des saintes espèces, en les adorant, nous pouvons dire à voix basse
ou simplement dire dans nos cœurs la profession de foi de l’Apôtre
Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu ». Puisque c'est
vraiment Notre-Seigneur et notre Dieu qui, du haut des cieux,
s'abaisse jusqu'à nous, et il veut se donner à nous dans ce petit
morceau de pain si banal, il veut s'unir à nous d'une façon aussi
humble et pauvre, afin que nous puissions, nous aussi, avoir part à
son amour, à son salut.